La guerre en Ukraine, un coup de plus au moral
Après le Covid, la guerre en Ukraine mine encore un peu plus notre bien-être mental, en particulier celui des personnes fragilisées par la crise sanitaire
Publié le 02-03-2022 à 07h00
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L’embellie qui se profilait enfin au terme de deux années de pandémie a été balayée en quelques heures par les attaques de la Russie contre l’Ukraine. Cette guerre aux portes de l’Europe pourrait peser davantage sur notre bien-être mental que le Covid, selon Olivier Luminet, membre du groupe d’experts Psychologie et corona.
"Avec le Covid, on était arrivé à une certaine maîtrise: on s'est rendu compte que les gestes barrières limitaient les contaminations et puis il y a eu les vaccins, le développement de traitements prometteurs. Quand la prévisibilité et le contrôle sont renforcés, cela aide à maintenir son bien-être mental. Mais à peine sortis du Covid, voilà qu'une autre menace se profile. Il y a un effet d'accumulation: la guerre en Ukraine n'aurait sans doute pas provoqué une telle poussée d'anxiété si elle avait eu lieu dans un contexte plus calme."
L’irrationalité de Poutine
La guerre menée par la Russie semble échapper à tout contrôle, un sentiment renforcé par la personnalité de Vladimir Poutine, note le professeur de psychologie de la santé à l’UCLouvain.
"Cette guerre dépend fortement de la psychopathologie d'un seul homme qui semble, à certains moments, ne plus très bien se rendre compte de la réalité du monde. Aucun garde-fou ne semble pouvoir le contenir, cela rend la situation encore plus anxiogène car à tout moment cela peut déraper. Et on ne voit pas de solution contrairement à la crise sanitaire qui a mobilisé de nombreux experts qui ont travaillé pour trouver des solutions".
La solidarité qui rassure
Manifestations, propositions d’hébergement, dons de vivres, de médicaments, d’argent… On assiste à une importante mobilisation des citoyens pour soutenir les Ukrainiens. Ce bel élan de générosité contribuerait également à apaiser l’angoisse provoquée par le conflit.
"Toute action permet de gérer son anxiété et de réguler ses émotions, explique Olivier Luminet. S'impliquer dans des actions de solidarité donne un sentiment d'utilité et de contrôle, encore faut-il envoyer des messages clairs à la population sur les actions utiles à mener. Et puis être en contact avec des gens qui sont dans la même démarche a quelque chose de rassurant. "
La peur qui mobilise
Une troisième peur vient se greffer à celles causées par la pandémie et la guerre, la peur liée au changement climatique même si le dernier rapport du GIEC a été relégué à l’arrière-plan en raison de l’actualité géopolitique.
"Évoquer un avenir incontrôlable, des phénomènes climatiques qui s'emballent génère de la peur. Il est intéressant de voir si celle-ci permettra d'actionner des leviers: une peur tant qu'elle est à un niveau modéré peut être bénéfique parce qu'elle incite les gens à se mettre en action. Le contexte actuel pourrait ainsi accélérer la transition énergétique ce qui résoudrait en partie nos problèmes pécuniaires liés au prix de l'énergie et notre dépendance à certains pays. On est à un tournant: cette peur sera-t-elle mobilisatrice ou paralysante parce que trop intense?"
Pour le professeur de l'UCLouvain, on peut aider les citoyens en leur montrant qu'il existe des moyens d'action à chaque niveau. "La capacité de mobilisation est d'autant plus grande que les gens sont restés longtemps enfermés chez eux à cause du Covid ".
Doublement fragilisés
La capacité de résilience est importante chez une grande partie de la population, rassure Olivier Luminet: "On est confronté à l'adversité mais nos vies ne sont pas complètement chamboulées comme celles des Ukrainiens".
Mais chez les personnes qui souffrent déjà de troubles anxieux, cette succession d'événements (crise sanitaire, guerre en Ukraine…) accentue encore leur profond mal-être: "Toutes les sources d'anxiété ont des liens les unes avec les autres. Les personnes déjà fragilisées par le Covid le seront encore un peu plus par les événements actuels.".