Décès du petit Rayan : "Une narration qui a tenu le monde entier en haleine"
Le décès tragique du petit Rayan, coincé pendant cinq jours au fond d’un puits, a suscité une vive émotion à travers le monde. Mais pourquoi cet événement plutôt qu’un autre?
Publié le 06-02-2022 à 20h00
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Si le Maroc pleure le jeune Rayan, ce drame humain a largement dépassé les frontières nationales. L’opération de sauvetage du petit garçon, suivie de son décès, ont suscité un déferlement d’émotions à travers le monde.
Mais alors, pourquoi cet événement plutôt qu'un autre? "Dans le cas du décès de jeunes migrants par exemple, il y a souvent une sorte d'anonymisation. Ces enfants ne sont pas tellement identifiés. Ici, je pense que ce qui a joué dans cette vague d'émotion, c'est la narration. Il y a eu une mise en haleine du monde entier sur la possibilité de sauver un enfant en particulier", analyse Olivier Luminet, professeur de psychologie des émotions à l'UCLouvain et directeur de recherches au FNRS.
Le jeune Rayan était très individualisé dans le récit de cette catastrophe, "on avait son nom, sa photo, on connaissait son histoire".
Cette personnalisation décuple l'émotion qui peut être ressentie par le public. "Les personnes qui ont des enfants, quel que soit leur âge, seront touchées par ce drame. Et puis, il y a aussi ce côté universel de l'innocence de l'enfance et de l'injustice d'une mort précoce, qui marque les esprits."
Une fascination malsaine
L'enchaînement des événements a accentué le phénomène. Cette course contre la montre menée pendant cinq jours par les sauveteurs a été tout à fait prenante. "Cela a contribué au suspense de cette histoire."
La possibilité de retrouver l'enfant vivant explique d'ailleurs aussi l'intensité du choc, à l'annonce du décès. "Il y a eu un espoir très fort, la possibilité d'émotions positives et puis, l'événement dramatique qui survient. Ce contraste crée l'émotion également."
De manière plus prosaïque, Olivier Luminet rappelle aussi la fascination malsaine de l’être humain pour des histoires comme celle-ci.
"Il y a toujours eu une fascination pour les situations horribles. C’est triste à dire, mais c’est un peu devenu le feuilleton de la semaine pour une série de personnes qui suivaient le sauvetage jour après jour, heure par heure."
Les médias et les réseaux sociaux ont également amplifié le phénomène. "Avec les réseaux sociaux notamment, n'importe qui dans le monde peut prendre connaissance de cette histoire. Il y a une émotion qui prend de suite et qui se répand très vite. Cet événement n'aurait sans doute pas eu le même retentissement il y a dix ans."