Pieds et poings liés à Facebook?
Particuliers, entreprises, structures publiques sont-ils tellement dépendants de Facebook? Sept heures de panne invitent à y réfléchir.
Publié le 06-10-2021 à 06h00
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«Clairement, un incident comme la panne de ce lundi fait prendre conscience de la dépendance qu'on peut avoir vis-à-vis de Facebook. Dans notre jargon scientifique, on appelle cela une "expérience naturelle". Cela révèle un tas de choses qu'on ne voit pas nécessairement en temps normal», analyse Nicolas Van Zeebroeck, professeur d'économie et de stratégie digitale à la Solvay Brussels School.
«Dans le monde entier, dit-il, il y a eu des réactions, notamment d'entrepreneurs. Avec bien sûr des différences selon les pays, mais le phénomène est en tout cas significatif. Ce serait intéressant de mesurer quel a été l'impact sur l'activité en ligne aux États-Unis, où cette panne s'est produite en pleine journée, à l'approche du Black Friday. On aurait alors une réponse sur cette dépendance réelle aux réseaux sociaux. Mais pour beaucoup de gens, c'est sûr, Facebook se confond avec internet.»
La panne qui a touché Facebook, mais aussi Instagram et les messageries liées, Messenger et Whatsapp qui font tous partie de l’empire Zuckerberg, aura eu évidemment un degré d’impact variable selon l’usage qu’on fait de ces réseaux, et du degré d’engagement.
Pour certaines entreprises, ça peut être, simplement, d'y placer de la publicité. La conséquence se limite alors à quelques heures de visibilité perdue. Mais pour d'autres, le réseau social est leur unique identité sur internet. «Elles n'existent qu'à travers leur page Facebook. C'est comme si elles disparaissaient. Pire encore, des commerçants, des restaurateurs l'utilisent pour les commandes de leurs clients. Non seulement ils disparaissent des radars mais on ne peut plus commercer avec eux», souligne Nicolas Van Zeebroeck.
Souveraineté digitale
Autre cas de figure «exposé au grand jour»: de nombreux sites internet utilisent le compte Facebook comme moyen d'identification. La panne du réseau social entraîne, de facto, l'impossibilité pour l'utilisateur de se connecter à un tas d'autres plateformes. «Cela peut embarrasser beaucoup d'entreprises.»
Mais pas seulement. «Des institutions culturelles, des administrations publiques, jusqu'à des partis politiques sont aussi totalement dépendants de ces outils de communication 100% privés», relève Olivier Servais, professeur d'anthropologie à l'UCLouvain, qui y voit une «piqûre de rappel» de combien ces structures peuvent être pieds et poings liés à quelques multinationales, américaines ou chinoises. «Et c'est la première fois dans l'histoire des révolutions. C'est une vraie question de souveraineté digitale pour la Belgique, pour l'Europe.»
Diversifier les réseaux
«Facebook, c'est un choix facile, une manière bon marché de communiquer. Tellement facile et bon marché que certains entrepreneurs ne se sont pas rendu compte qu'ils avaient construit tout leur business sur cette plateforme. Mais ça enlève de la flexibilité, et ça rend vulnérable en cas de panne», conclut Nicolas Van Zeebroeck. «Pour débuter une activité, c'est bien, mais à mesure qu'on grandit, c'est une bonne idée de chercher trois ou quatre canaux de communication différents. Je crois que ce qui s'est passé lundi va déclencher une réflexion chez certains.»