L’expertise autour de l’emprise de Tariq Ramadan sur ses victimes déclarées annulée
La cour d’appel de Paris a annulé jeudi une expertise psychiatrique selon laquelle les femmes qui déclarent avoir été violées par Tariq Ramadan étaient en partie sous son emprise, a appris l’AFP auprès des avocats. De nouveaux spécialistes vont devoir réexaminer cette question au cœur de l’affaire.
- Publié le 17-06-2021 à 16h11
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L’expertise de mai 2020 du Dr Daniel Zagury a été invalidée par la chambre de l’instruction pour un vice de procédure, le célèbre psychiatre ayant interrogé plusieurs plaignantes ou témoins sans l’accord des juges d’instruction.
L’expert avait seulement été autorisé à consulter le dossier, dans lequel figuraient les déclarations des femmes concernées.
La cour juge toutefois que «l’analyse des relations ayant pu exister entre les huit plaignants et témoins recensés (...) et Tariq Ramadan constitue un élément central de la procédure qui doit impérativement faire l’objet d’une étude approfondie», qui pourrait être confiée à «un collège d’experts», selon l’arrêt consulté par l’AFP.
«L’expert a commis un abus de pouvoir qui a été sanctionné, c’est la juste application de la loi», s’est félicité Philippe Ohayon, un des conseils de Tariq Ramadan, mis en examen (inculpé) pour viols de cinq femmes, ce que l’intellectuel suisse conteste fermement, plaidant des relations consenties.
«Cette décision confirme bien qu’il n’y a plus de dossier Ramadan», assurent deux autres avocats de la défense, Nabila Asmane et Ouadie Elhamamouchi, considérant «la notion d’emprise» comme «une bouée de sauvetage pour sauver cette instruction du naufrage judiciaire».
Au contraire, «la cour a ordonné une contre-expertise, preuve, s’il en est, que la question de l’emprise est plus que jamais au cœur de ce dossier», estime Eric Morain, avocat de deux plaignantes.
Le débat sur la notion d’emprise s’est imposé dans cette affaire, les enquêteurs jugeant «ambivalents» les échanges de plaignantes avec M. Ramadan.
Dans son rapport, le Dr Zagury décrivait en quatre étapes la relation instaurée par M. Ramadan: une «vénération» pour «l’intellectuel brillant» rencontré sur les réseaux sociaux, puis des échanges «de plus en plus érotisés avec une coloration sado-masochique de domination/soumission», suivis d’une rencontre «décrite comme un enchaînement soudain et brutal» vers des pratiques sexuelles extrêmes, avant une quatrième phase de sentiments contradictoires (rancœur, culpabilisation, vengeance, admiration et sujétion persistantes).
Ce débat judiciaire sur la notion d’emprise est primordial pour les juges d’instruction qui doivent déterminer, avant d’ordonner un éventuel procès ou l’abandon des poursuites, si l’islamologue peut être ou non accusé d’avoir imposé des actes de pénétration sexuelle par une forme de «contrainte morale».