«Technologie et contact ne s’opposent pas»
Le numérique est aussi au cœur de la présentation de la chaire Be. Hive, coordonnée par l’UCLouvain, du 18 au 21 mai. Explications de Thérèse Van Durme, chercheuse.
Publié le 19-05-2021 à 07h00
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/324B2XUZSRE6ZCFEZB6YH35JXY.jpg)
«La pandémie a permis d'ouvrir des fenêtres d'opportunité pour utiliser des outils numériques, mais il est encore trop tôt pour savoir si les changements seront durables, dit Thérèse Van Durme, chercheuse à l'Institut de recherche santé et société de l'UCLouvain (IRSS). Il y a pas mal d'acteurs – je pense aux jeunes soignants et aux jeunes patients – qui sont désireux d'utiliser des technologies nouvelles, tout en ayant une garantie de sécurité des données, de facilité d'usage.La téléconsultation était réclamée à cor et à cri depuis des dizaines d'années. C'est quelque chose qui devient maintenant complètement banal. »
Mais pour la chercheuse, il y a encore du chemin à faire. À côté de la sécurité des données, il y a un dossier à faire pour rendre l'outil numérique plus «interchangeable»: « Le patient a un dossier électronique différent chez son médecin, son pharmacien, son kiné… et à l'hôpital. Ces dossiers séparés ne se parlent pas. Je ne dis pas qu'il faut mettre tout en commun, mais le patient doit pouvoir donner des accès à l'un ou à l'autre, au besoin, pour ne pas répéter 20 fois la même histoire!»
Fracture numérique
Si les jeunes patients sont demandeurs, les «boomers» de 70 ans ne sont pas récalcitrants pour autant, d'après la chercheuse, qui dit que les soignants ne doivent pas avoir d'a priori lié à l'âge. «Les associations de patients font un chouette boulot de formation des patients à participer au développement des outils. Ils ne sont plus des utilisateurs passifs, mais des co-créateurs qui disent ce qui leur convient: s'il faut utiliser trois fois itsme lors de la même session, alors qu'on ne voit pas bien ou qu'on a les doigts qui tremblent, il faut penser à d'autres dispositifs. Dans le champ de la reconnaissance vocale et de l'interopérabilité des logiciels, il y a un tas de choses à explorer… Et en parallèle, il faut proposer des alternatives pour les personnes pour qui ça n'est absolument pas possible.»
Contrairement au Dr Parmentier, Thérèse Van Durme n'oppose pas technologie et contact humain. «On doit être vigilant dans le développement des outils: rien ne remplacera le contact et la confiance qu'un patient a en son médecin, son infirmière et son pharmacien. La composante relationnelle est essentielle. Les visites à domicile permettent de réaliser les difficultés quotidiennes des personnes à suivre un traitement et une autre série de choses.»
Pour que les changements liés à la technologie soient durales, il faut un financement et un encadrement corrects: «S'il y a des gens derrière qui font bien leur boulot, ça peut être durable.» Il ne faut pas, selon Thérèse Van Durme, sous-estimer les apports de la technologie: «Je pense aux initiatives qui permettent dans une consultation de généraliste d'avoir accès au dermatologue par visioconférence, ou le fait d'aller chez son infirmière pour une consultation diabétique, et qu'elle puisse en direct discuter de votre traitement avec le généraliste ou le diabétologue. Cela permet une prise en charge plus respectueuse du patient.»