Restaurant: le prix de la clandestinité
En cherchant bien, il est possible de manger au restaurant, malgré le confinement… Quand le «take away» devient du «sur place».
Publié le 27-03-2021 à 06h00
Dans le sous-sol d’une maison bourgeoise, entre des cartons et des bouteilles de vin, une poignée de petites tables sommairement dressées çà et là, sont éclairées à la bougie. En cuisine, plusieurs personnes s’agitent, presque comme un soir d’activité normale. Outre les plats à emporter, il faut servir quelques tables de clients venus satisfaire leur envie de bien manger, tout en bravant les interdits de cette trop longue crise sanitaire.
Ici, tout le monde s’appelle par son prénom et se regarde d’un air entendu, malgré le port du masque. Pas de carte posée sur la table, mais un menu imposé de 5 services pour 100€ par personne, sans les boissons. Pour faire un minimum de vaisselle, on ne change ni les couverts ni les verres.
Étrangement, l’ambiance est à la fête malgré l’absence de musique et de décorum. C’est la fête des sens. Et dans la pénombre, le chef laisse deviner son sourire de restaurateur heureux de régaler ses clients de bons produits, malgré les risques qu’il encourt.
Pas vraiment un réseau, mais…
Trouver un restaurant qui franchit la ligne rouge n'a pas été si facile, mais pas impossible non plus. Une vingtaine de messages prudemment envoyés à quelques personnes disposant d'un réseau a, illico, produit son petit effet. Quatre réponses positives: un établissement en Flandre, deux à Bruxelles, un en Wallonie. Les restaurateurs qui travaillent en douce se connaissent généralement. Sans pouvoir parler de réseau organisé, ils se refilent les demandes qui leur parviennent en fonction de leurs disponibilités. «C'est juste pour les potes», entend-on dire… mais tout le monde sait que les amis de mes amis sont aussi mes amis.
Les prix de ces soirées qui ont la saveur de l’interdit ne varient pas ou peu: difficile de trouver moins cher que 100€ par tête de pipe, sans les boissons. C’est le prix de la clandestinité. Car si l’exploitant se fait prendre, il devra s’acquitter d’une amende allant de 750€ à 4 000€, et risque même une citation devant le tribunal correctionnel; l’amende pour ses clients à l’esprit frondeur est, quant à elle, fixée à 250€ pouvant aller jusqu’à 750€. Auxquels il faut ajouter 250€ si le port du masque n’est pas respecté.
Le «take away» a bon dos
De toute évidence, la vente de plats à emporter facilite grandement l’activité souterraine de ces quelques restaurateurs. Cela écarte d’une part la suspicion en provenance de leurs fournisseurs horeca, puisqu’il faut bien s’approvisionner pour le «take away»; d’autre part, celle des voisins capables de «balancer» et signaler les nombreuses allées et venues devant un établissement censé être clos, à la police. Pour éviter cela, certains restaurants procèdent par vaguelettes: des rendez-vous sont donnés à heure fixe devant la porte d’entrée, afin de faire rentrer les clients par groupe de quatre personnes, et ainsi de suite tous les quarts d’heure, par exemple. Idem pour la sortie. À moins que les policiers ne se chargent eux-mêmes de l’évacuation… Car si la clandestinité a peut-être quelque chose de palpitant, elle n’est pas sans risque. Et si les dernières mesures de renforcement du confinement prises par le gouvernement ne sont pas de nature à empêcher ces restos clandestins de tourner, elles font malgré tout craindre des contrôles renforcés.