INTERVIEW | Tanguy Struye: «Le “Trumpisme” a encore un avenir»
Malgré les événements de ce mercredi au Capitole, des élus républicains continuent à soutenir la thèse du complot défendue par Donald Trump.
Publié le 07-01-2021 à 10h15
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Tanguy Struye, de votre œil d’analyste des États-Unis (UCLouvain), comment voyez-vous les événements d’hier au Capitole, à Washington: une insurrection, comme l’a décrite le président élu, Joe Biden, ou une tentative de coup d’État?
Pour moi, c’est clair, il y a eu une tentative de coup d’État, c’est-à-dire une opération commandée par un dirigeant politique pour faire échec à la démocratie. Si pareil événement s’était produit en Argentine, par exemple, il n’y aurait pas photo: on parlerait d’office de tentative de coup d’État.
Beaucoup se sont interrogés sur l’absence de mesures de protection du Capitole…
Il est en effet assez surprenant que la Garde nationale n’ait pas été déployée préventivement, comme cela a été le cas récemment, par exemple pour la manifestation “Black livesmatters”. Et quand il a enfin été fait appel à elle, le vice-président, Mike Pence, et les leaders démocrates et républicains de la Chambre et du Sénat l’ont décidé, malgré le refus du président sortant, Donald Trump, qui semblait, lui, apprécier le spectacle à la Maison-Blanche.

On parle beaucoup de la mise en œuvre du 25e amendement de la Constitution américaine, qui permettrait d’écarter le président du pouvoir. Pourrait-il être mis en œuvre dans les quinze jours qui nous séparent de l’accession de Joe Biden à la présidence?
Cela me paraît assez difficile. En effet, si le vice-président et une majorité des membres du cabinet en conviennent, la mise à l’écart du président pour incapacité à exercer le pouvoir peut être décidée. Mais une procédure doit ensuite suivre, qui est assez compliquée et qui ne peut pas être menée à terme en deux semaines.
Pour la première fois, ce mercredi, on a vu le vice-président, Mike Pence, refuser de répondre à une injonction du président Trump. Et plusieurs personnalités importantes du parti républicain ont dénoncé ses manœuvres. En même temps, au Congrès, des élus républicains continuent à soutenir sa version d’une élection présidentielle frauduleuse: le parti républicain est-il au bord de l’implosion?
Effectivement, Mike Pence a tenu bon. Et il en subit déjà une conséquence: son chef de cabinet n’a plus accès à la Maison-Blanche. Mais vous avez raison, si on suit les votes qui se sont succédé au Congrès, notamment sur l’objection au résultat enregistré en Pennsylvanie, plus de 130 républicains ont soutenu la motion. Cela signifie que le “Trumpisme” a encore un bel avenir devant lui.
Le président élu, Joe Biden, n’a de cesse de dire qu’il veut réconcilier les États-Uniens. Après ce qui s’est passé ce mercredi, ne doit-on pas considérer que c’est une cause perdue d’avance?
Je ne doute pas un seul instant que Joe Biden, fort de ses quarante années d’expérience, au cours desquelles il a toujours placé la nation au centre de son action, fera tout pour tenter de réunir les Américains. Mais la tâche sera difficile, car il existe du côté républicain toute une frange, à la fois militants d’extrême-droite et habitants de zones rurales reculées, qui croient mordicus aux thèses complotistes. Cela dit, ce sont ces militants d’extrême-droite, avec leurs drapeaux sudistes, qui ont manifesté ce mercredi à Washington et qui s’en sont pris au Capitole. Il n’y avait pas les millions de personnes que Donald Trump avait annoncées. Il existe bon nombre de républicains qui ne croient pas, ou ne croient plus en Donald Trump.