”Facile de se procurer des armes de guerre à Bruxelles” : 1.000 euros pour une kalachnikov, selon un ancien co-détenu d’un kamikaze des attentats
Oui, il était facile de se procurer des armes de guerre à Bruxelles avant les attentats du 22 mars 2016. Selon un ancien co-détenu du kamikaze belge Ibrahim El Bakraoui qui a témoigné ce jeudi 27 avril 2023, il suffisait de se rendre dans les cafés de la capitale belge pour acheter une kalachnikov. Son prix ? Entre 1.000 et 1.500 euros.
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Publié le 27-04-2023 à 12h08 - Mis à jour le 27-04-2023 à 13h54
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Il a déjà purgé un total de neuf ans d’emprisonnement. Notamment condamné pour des faits d’armes, cet homme a été extrait de la prison où il est actuellement détenu pour autre cause pour témoigner en qualité de témoin devant la cour d’assises de Bruxelles chargée de juger les terroristes présumés des attentats du 22 mars 2016. Encadré de deux policiers, Leonardo P. (58 ans) a donc prêté serment avant de revenir sur ses relations avec l’un de ses anciens co-détenus de la prison d’Ittre, Ibrahim El Bakraoui, du nom de celui qui s'est fait exploser dans le hall des départs de l'aéroport de Zaventem. Un homme qu’il a rencontré en prison entre 2009 et 2014.
Ibrahim "était toujours joyeux, courtois", expose-t-il à la cour. "On parlait de foot. C’était un supporter de Barcelone.” A la question de la présidente de la cour d’assises de savoir si le kamikaze Ibrahim El Bakraoui était radicalisé, son ancien co-détenu répond par la négative. “Non, pas pour moi”, dit-il. Il n’a pas non plus vu un quelconque changement de comportement.
Comme il avait entendu que j'avais eu des armes, des kalachnikovs, de l'armée, Ibrahim était venu me trouver où je travaillais. Il cherchait des kalachnikovs.
Lorsque la présidente demande au témoin s’il était actif dans l’industrie des armes à feu, il nie. Dans le cadre d’un dossier d’armes et d’explosifs de l’armée, son rôle, dit-il, se limitait à “tenir” les armes à la demande de quelqu’un. L’ancien co-détenu d’Ibrahim El Bakraoui confirme ensuite que le terroriste lui a demandé des armes à sa sortie de prison. “Comme il avait entendu que j’avais eu des armes, des kalachnikovs, de l’armée, Ibrahim était venu me trouver dans le café où je travaillais. Il cherchait des kalachnikovs." Leonardo P. ne lui en a pas remis, assure-t-il. Car les armes étaient déjà parties. La requête remontait à "avant les attentats de Paris" (en novembre 2015, NDLR) parce que "après, c'était trop tard". Il affirme qu’il ne connaissait pas la raison pour laquelle son ancien co-détenu souhaitait acquérir des armes de guerre. “Il ne me l’a pas dit”, explique encore le témoin.
Non, il ne lui a pas donné d’adresses
Selon Leonardo P., “c’était facile, à l’époque, de se procurer des armes de guerre à Bruxelles”. “Des gens venaient de Yougoslavie ou d’Albanie, on prenait contact dans les cafés.” Il assure ne pas lui avoir donné d’adresses.
Un juré suppléant souhaite savoir combien coûtait à l’époque une telle kalachnikov. “Environ 1.000 à 1.500 euros”, répond le témoin. “De l’occasion”, précise-t-il, ce à quoi la présidente a répondu qu’il était clair qu’ils ne venaient pas de l’usine.
Voici pourquoi le 17e juré de la cour d'assises a été récuséIci, ils ont été contraints de trouver des armes différentes, d'origine différente, et il y avait différentes filières. Ils ont cherché tous azimuts. Il y avait une filière à Verviers, une autre à Liège, une en Hollande et une autre qui nous mène en forêt.
”Bon retour et espérons un meilleur avenir”, lui adresse la présidente de la cour d’assises avant que le témoin quitte la salle d’audience. “Il fait partie du cercle du grand banditisme”, fait remarquer le procureur fédéral Bernard Michel. “En matière d’approvisionnement d’armes, la cellule terroriste n’est pas une armée régulière. Ici, ils ont été contraints de trouver des armes différentes, d’origine différente, et il y avait différentes filières. Ils ont cherché tous azimuts. Il y avait une filière à Verviers, une autre à Liège, une en Hollande et une autre qui nous mène en forêt. On n’a rien objectivé sur le témoin dans l’approvisionnement en armes de cette cellule-ci.” “On a eu un témoignage capital, essentiel”, estime l’un des avocats de la défense, Me Jean-Christophe De Block.
Ibrahim Farisi, l'un des accusés libres au procès des attentats de Bruxelles, a été expulsé de la salle d’audience ce mardi 25 avril 2023Un homme aujourd’hui âgé de 35 ans ayant acheté 14 chargeurs de kalachnikovs pour son ami Khalid El Bakraoui durant l’été 2015 chez l’armurier Dekaise à Wavre et qui auraient ensuite été utilisés le 13 novembre lors des attentats à Paris est ensuite entendu. Condamné à 40 mois de prison avec sursis pour avoir acheté ces chargeurs, il témoigne libre ce jeudi.
“Ce n’est pas moi personnellement qui les ai achetés, j’ai envoyé quelqu’un” les chercher, “à la demande de Khalid El Bakraoui”, qu’il qualifie comme “un ami d’enfance” qui habitait dans le même quartier que lui. “C’était un copain. Sans plus. C’était un gars bien, on rigolait bien.”
Ils ont choisi leur chemin et ils sont morts. Je ne sais pas ce que je fous ici. Je suis venu pour vous dire que ça ne m’intéresse pas de témoigner sur qui que ce soit.
La présidente qui souhaite en savoir davantage sur la personnalité du kamikaze n’en saura pas davantage. “Je ne sais pas ce que je fais ici, je suis loin de toutes ces histoires”, répond le témoin. “Eux (Ndlr : les kamikazes), ils ont choisi leur chemin et ils sont morts. Je ne sais pas ce que je fous ici. Je suis venu pour vous dire que ça ne m’intéresse pas de témoigner sur qui que ce soit.” L’homme ne souhaitera plus répondre aux questions. Ni à celles de la présidente, de la défense, des jurés, ou des accusés eux-mêmes.
Il a toujours “de la haine, de la peur” à l'égard des accusés et des auteurs décédés des attentats, et préfère que la cour lise ses déclarations antérieures “de manière mécanique”, comme l’indique la présidente. “Vous avez du mépris pour les autorités judiciaires ?”, lui demande encore la présidente. “Non. Je suis resté un an en prison pour rien.” Une condamnation qu’il estime “injuste”.
"Il n'est pas bien à cause de l'isolement qu'il a subi en prison", s'exclamera Ibrahim Farisi, qui comparaît libre au procès. Le témoin voudra, à plusieurs reprises, quitter la salle d'audience. "C'est un homme en colère, il est fermé", conclut la présidente de la cour d'assises.