84.937 dossiers traités par Child Focus en 25 ans: retour sur l'anniversaire de la Fondation pour enfants disparus et sexuellement exploités (vidéo)
Créée il y a 25 ans dans le contexte de l'affaire Dutroux, la Fondation pour enfants disparus et sexuellement exploités, Child Focus, doit encore faire face à de nombreux défis, notamment liés à Internet. Le point avec Heidi De Pauw, directrice générale de l’association.
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- Publié le 27-03-2023 à 19h24
- Mis à jour le 28-03-2023 à 14h22
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Ceux qui étaient adultes en 1996 s’en souviennent comme si c’était hier. Ceux qui étaient enfants ont retenu les prénoms de Julie, Mélissa, Ann ou encore Eefje, enlevées et assassinées par Marc Dutroux, mais aussi ceux de Sabine et Laetitia, les deux survivantes.

Un quart de siècle plus tard, chacun garde à l’esprit cette paranoïa ambiante et la Marche blanche qui a mobilisé 300.000 personnes en colère "qui demandaient un changement au niveau de la police et de la Justice mais également la création d’un centre comme celui qui a été mis en place aux États-Unis pour accompagner et soutenir les parents d’enfants disparus", se souvient Heidi De Pauw, directrice générale de l’association.
Dans la foulée naît donc Child Focus, la Fondation pour enfants disparus et sexuellement exploités, le 31 mars 1998. Ce jour-là, 25 parents d’enfants disparus ou assassinés signent la Charte de Genval. En vingt-cinq années d’existence, l’organisation lancée à l’initiative de Jean-Denis Lejeune (le papa de Julie) a traité 84.937 dossiers. Parmi ceux-ci, 24.971 étaient des fugues, 6.938 des enlèvements parentaux internationaux, 539 enlèvements par un tiers, etc.
Il y a 25 ans, quand on téléphonait à des flics pour travailler sur une disparition, on nous envoyait bouler.
"Le bilan de la Fondation est positif", reconnaît Heidi De Pauw. "Au début, on était des pionniers, un centre qui n’existait pas encore en Belgique. On avait signé un protocole de collaboration avec la Justice et la police, mais celles-ci n’attendaient pas un centre privé et indépendant. Les services d’assistance aux victimes non plus. Notre arrivée n’était pas bien vue. On était planté sur le terrain par la volonté politique et à la demande de la population. C’était une période très importante, où on devait montrer qu’on était professionnel et complémentaire. Il y a 25 ans, quand on téléphonait à des flics pour travailler sur une disparition, on nous envoyait bouler. Aujourd’hui, dans la pratique, on a évolué et la collaboration avec la police et la Justice se passe très bien. Nous apportons une vraie plus-value."
À l’époque, le motard de la police devait venir d’Arlon avec la photo d’un enfant disparu pour que l’on puisse scanner et réaliser des affiches en papier. Aujourd’hui, la technologie a évolué pour diffuser rapidement la photo d’un enfant disparu.
Avec les années, Child Focus a dû évoluer. Surtout avec la technologie. "Il y a 25 ans, au début de l’Internet, on avait des téléphones portables chez Child Focus, des scanners pour les photos, mais les services de police ne disposaient pas toujours de ces moyens-là. À l’époque, le motard de la police devait venir d’Arlon avec la photo d’un enfant disparu pour que l’on puisse scanner et réaliser des affiches en papier. Aujourd’hui, la technologie a évolué pour diffuser rapidement la photo d’un enfant disparu. On a toujours nos affiches en papier mais on utilise de plus en plus les canaux digitaux. Nos partenaires comme la Loterie nationale diffusent cette photo rapidement sur les écrans et les réseaux sociaux. La technologie aide aussi dans la recherche des enfants. Si un enfant dispose d’un GSM, on peut voir si un pylône a capté le signal du téléphone, sans oublier les caméras qui peuvent nous aider."
L'ancien visage de Child Focus pendant 15 ans : “Des moments difficiles, mais aussi des cris de joie” (vidéo)Lorsqu’on évoque une disparition, les citoyens pensent bien évidemment à l’enlèvement criminel comme l’affaire Dutroux, mais on s’occupe essentiellement de dossiers d’enfants en fugue.
L’objectif premier de Child Focus reste la disparition des enfants et de jeunes adultes jusque 25 ans dans le cas d’une disparition inquiétante et le soutien aux parents et proches d’enfants disparus ou assassinés ainsi qu’aux victimes d’exploitation sexuelle. En moyenne, trois nouveaux dossiers de disparition sont traités quotidiennement par Child Focus.
"Les enlèvements comme on les a connus à l’époque sont devenus une exception", relève Heidi De Pauw. "Lorsqu’on évoque une disparition, les citoyens pensent bien évidemment à l’enlèvement criminel comme l’affaire Dutroux, mais on s’occupe essentiellement de dossiers d’enfants en fugue. Une fois retrouvés, on essaie de comprendre et de résoudre leurs problèmes pour éviter qu’ils ne fuient à nouveau leur domicile familial ou le centre dans lequel ils se trouvaient. Mais la plupart des personnes enlevées par une tierce personne, c’est par quelqu’un qui connaisse."
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Aujourd’hui, Child Focus, qui est intervenu à 33.312 reprises pour des cas de signalements d’images d’exploitation sexuelle de mineurs d’âge, entend regarder vers le futur, dans le but "d’éradiquer les disparitions et l’exploitation sexuelle" de mineurs. "Mais il s’agit dans la plupart de cas de beaucoup plus de photos qui sont diffusées." Une lutte que mène l’association depuis de nombreuses années. La Fondation mise sur la prévention et la sensibilisation aux dangers du Web, une évolution qu’elle souhaite poursuivre.
"Même si Internet reste un outil merveilleux pour que nos enfants puissent y jouer, il représente un risque, ce qui constitue un grand défi pour Child Focus et l’ensemble de notre société. Aujourd’hui, Internet laisse les prédateurs libres. Les grandes compagnies de technologies ont une responsabilité à prendre, et devraient prendre un certain nombre de mesures. On n’est pas contre la protection de la vie privée, mais celle-ci peut être menée avec la protection de nos enfants." Il est donc primordial d’apprendre aux enfants "à bien utiliser Internet pour se protéger (avoir un mot de passe fiable, ne pas poster de photos privées)".
Reste le financement de la Fondation. "Au début, le gouvernement avait promis 50 % de subsides et l’autre moitié devait être issue du privé pour garder une forme d’indépendance. Aujourd’hui, seulement 20 % de notre budget est alloué par le gouvernement, via la Loterie nationale. On peut heureusement compter sur la solidarité des citoyens et des entreprises." Jusqu’à quand?
"Voici pourquoi j'ai fugué"
Edouard a vécu une adolescence difficile. Il y a sept ans, il a donc décidé de s’enfuir de chez lui. "À la base, je suis francophone, dit-il. Mes parents ont divorcé et à cause de ça je devais passer du français en néerlandais. Puis, en 2010, j’ai perdu ma sœur à l’âge d’un an. À la maison, chez mon père, on n’en parlait plus… J’ai dû vivre avec ce poids sur mes épaules jusqu’à mes dix-huit ans. Un jour, ça a éclaté dans ma tête", expose-t-il. Édouard ne voit qu’une solution. Celle de quitter son domicile. "J’ai pris quelques affaires et j’ai fui mes problèmes."
Après quatre jours, il revient chez lui, dans son appartement, où l’attendent deux patrouilles de police. La police fédérale et Child Focus avaient lancé un appel à témoins. "Puis, quelqu’un de chez Child Focus m’a tendu la main. D’un coup, je n’étais plus tout seul..."