"Esterno Notte": la série qui raconte les heures sombres de l’Italie
Marco Bellocchio explore l’affaire Aldo Moro, ce moment de 1978 où bascule l’histoire italienne, comme une tragédie dans une série remarquable en tout point.
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Publié le 15-03-2023 à 15h27 - Mis à jour le 15-03-2023 à 15h28
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Vingt ans après son film Buongiorno, notte, Marco Bellocchio continue à 83 ans, son exploration de ces heures sombres vécue par l’Italie à la fin des années 70. Cette fois c’est dans une série en six épisodes, Esterno Notte, qu’il dissèque l’enlèvement du président Aldo Moro par les Brigades rouges, en mars 1978.
Dans une reconstitution au cordeau, Marco Bellocchio entreprend de dessiner une grande fresque réaliste et scrute les puissants de l’époque. Aldo Moro, bien sûr mais aussi le ministre de l’Intérieur Francisco Cossiga, que le drame laissera au bord de la démence ; le pape Paul VI qui officiera en coulisses pour négocier la libération du président, Adriana Faranda des Brigades ou encore l’épouse de Moro.
Avec un rythme assez lent, le cinéaste place finement ses pions dressant un portrait très humain des différents protagonistes et notamment d’Aldo Moro, duquel transparaît une infinie douceur.
Un traumatisme pour l’Italie
Entre portraits et chronique de la société, Esterno Notte dépeint avec justesse les années de plomb à Rome. Cette époque pas si lointaine mais que la Belgique a suivi de loin durant laquelle Aldo Moro, à la tête du parti au pouvoir (Démocratie chrétienne) est enlevé par les Brigades rouges puis assassiné. Un épisode que le cinéaste vécut comme un traumatisme. "Ce fut un traumatisme pour toute l’Italie", confiait Marco Bellocchio à l’AFP lors de son passage à Cannes où était présentée la série.
L’Italie est déchirée par la violence politique, qui oppose les Brigades rouges, principale organisation armée d’extrême gauche et l’État.
Dans un geste d’apaisement, et contre la pression du bloc occidental, le président de la démocratie chrétienne Aldo Moro décide de s’allier aux communistes.
Le jour même de l’installation du nouveau gouvernement, Moro est kidnappé lors d’une embuscade des Brigades rouges dans laquelle ses cinq gardes du corps sont tués.
"L’Italie a vécu sa première tragédie en direct: il n’y avait pas la télé 24h/24 comme aujourd’hui, mais tout le monde lisait les journaux."
Après 55 jours haletants, ponctués de faux communiqués, de lettres de supplications de l’otage, Aldo Moro est tué. "Beaucoup de jeunes à l’époque étaient pour ce genre d’opération révolutionnaire qui avait eu une belle réussite, mais personne ne s’attendait à une telle fin."
Sévèrement dépeints
Une classe politique est sévèrement dépeinte par Bellocchio: impuissante face à la violence des Brigades rouges, mesquine quand il s’agit de sauvegarder ses places au gouvernement, déplacée lorsqu’elle présente des condoléances prématurées à Eleonora Moro.
À travers le personnage d’Adriana Faranda, pasionaria du mouvement impliquée dans l’enlèvement d’Aldo Moro, Marco Bellocchio aborde avec finesse le dilemme d’une révolutionnaire dont la certitude "à un moment donné, entre en crise".
La série montre bien ce gouvernement en état de choc, confronté à un dilemme: accepter la négociation avec le groupe terroriste, au risque de mettre en péril la démocratie, ou ne rien céder et prendre le risque d’une mise à mort de l’homme politique.
Une série remarquable tant par sa construction que par son sujet.
Arte, 20.55