À la télé ce mercredi soir: Mademoiselle de Joncquières ou le goût amer de la vengeance
Une riche veuve se venge de son amant en le jetant dans les bras d’une prostituée. Un conte moral et cruel par Emmanuel Mouret.
Publié le 11-01-2023 à 12h00
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Mme de La Pommeraye (Cécile de France), veuve séduisante et fortunée, entame une liaison avec le marquis des Arcis (Édouard Baer). Mais après un bonheur de courte durée, celui-ci se lasse d’elle. Pour se venger, l’amoureuse blessée provoque alors une idylle entre son volage amant et Mlle de Joncquières, une jeune femme pauvre dont il ignore le statut de prostituée.
Le cas Emmanuel Mouret
Cas à part dans le cinéma français, Emmanuel Mouret trouve dans cette adaptation d’un texte de Diderot (déjà mis en scène, en 1945 par Robert Bresson dans Les Dames du Bois de Boulogne), un terrain de jeu propice à son goût pour les joutes oratoires.
Merveilleuse idée de plonger le réalisateur quelques siècles en arrière tant il apparaît, dès les prémices de l’histoire, que la noblesse du XVIIIe siècle convient à merveille au "style Mouret": déroutants au XXIe siècle, ses dialogues font, dans la haute société française d’alors, un effet bœuf.
Sa mise en scène élégante privilégie les plans-séquences et restitue le plaisir des mots. Le cinéaste, souvent excellent lorsqu’il s’agit de contes moraux, trouve dans ce récit de Diderot le matériau idéal pour illustrer les pièges de la séduction et de la manipulation mais aussi les étranges chemins qu’empruntent deux êtres pour s’aimer. La vengeance de la jeune veuve contre son amant a cela de pathétique qu’elle s’exerce finalement au détriment de deux femmes pauvres. Sous le raffinement et le luxe percent des sentiments violents, inféodés à l’argent et à la respectabilité.
Édouard Baer cabotine et Cécile de France illumine
Le film bénéficie de la présence de deux très bons acteurs, Cécile de France et Édouard Baer, tous deux dans des rôles à contre-emploi. Et si Édouard Baer est quelque peu agaçant, car cabotinant, en marquis des Arcis, Cécile de France est d’une justesse effrayante en cocue magnifique maniant à la perfection sa nouvelle marionnette, une Mademoiselle de Joncquières incarnée avec la grâce idoine par Alice Isaaz, la nouvelle beauté fatale du cinéma français.
Quant au propos, datant quand même de 1780, il brille encore par son incroyable modernité et son analyse du sentiment amoureux.
Arte, 20.55