Miossec: "Chanteur, c’est un boulot un peu crétin"
Sur "Simplifier", Miossec revient aux fondamentaux. Si la voix se barre parfois, la plume reste.
Publié le 10-03-2023 à 08h00 - Mis à jour le 13-03-2023 à 12h54
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Aller droit au but, ne pas s’encombrer de superflu, retrouver le son de ses débuts: pour son nouvel album sorti mi-février, Miossec n’a eu que ça en tête. Cela donne Simplifier, disque de onze titres où la voix fragile du chanteur est compensée par des textes ciselés et une orchestration à l’os, le tout à la maison. "J’ai commencé à bosser tout seul avec une boîte à rythmes, une guitare et une basse puis j’ai enregistré avec Paul Le Galle et Alexis Delong, qui a mixé et également produit le disque. Le verbe ‘simplifier’ a fait du bien à tout le monde."
Comme la tournée des vingt-cinq ans de l’album Boire, qui s’est finalement étendue sur deux années pour cause de pandémie. "Cela m’a ramené à la préhistoire. Arrivé à un certain âge (NDLR: il aura 60 ans fin 2024), on peut dire ça (rires). Avant l’album Boire, je travaillais aussi tout seul. C’est ça que j’ai voulu retrouver. Il y a certains disques où j’ai eu l’impression de perdre le fil. Ici, j’étais sûr de pouvoir le garder."
Avant de se plonger dans l’écriture, Miossec indique avoir écouté pas mal de hip-hop. "Certains jeunes d’aujourd’hui ont un minimalisme assez dingo et c’est ça qui m’a autorisé à faire des choses aussi minimales."
"Pas un album plombé"
Le disque s’ouvre par le single Tout est bleu qui, malgré le texte qui évoque une séparation, garde un petit côté lumineux. "J’avais envie de ne pas faire un album plombé, commente-t-il. Du coup, cette boîte à rythmes apporte un entrain et une légèreté à cette chanson qui, sans cela, pourrait être absolument dramatique. Je dis ‘Tout est bleu quand le noir s’en va…’, mais il faut qu’il s’en aille… Et on ne sait pas s’il est parti…"
Et quand on lui demande si chez lui tout est bleu, il répond par une pirouette: "Il fait bleu et nuageux. Mais là, je suis en train de regarder le ciel dehors (rires)." On n’en saura pas plus.
Sur ce disque, pour la première fois dans sa longue discographie, le Brestois s’essaye au portrait de personnes existantes. Sur Je m’appelle Charles, il évoque son ami Charles Muzy, patron du Vauban, salle de spectacle mythique de Brest – qu’il avait déjà évoquée dans Samedi soir au Vauban – surmontée d’un restaurant et d’un hôtel. "Cela se trouve au centre de Brest et les gens hallucinent quand ils découvrent un lieu comme ça. Charles, c’est mon ami et c’était presqu’une obligation d’écrire une chanson sur lui, Il va bientôt passer la main à sa fille. C’était le moment où jamais."
Le deuxième portrait se trouve sur Meilleur jeune espoir masculin, chanson qui évoque le destin de l’acteur Gérald Thomassin, soupçonné du meurtre d’une postière à Montréal-la-Cluse et qui a disparu en 2019 alors qu’il était convoqué pour une ultime confrontation. Cette histoire a fait l’objet d’un livre, L’inconnu de la poste, écrit par la journaliste Florence Aubenas. "C’est quelqu’un qui n’a pas voulu faire une carrière classique dans le cinéma et qui a uniquement suivi son instinct. La réussite sociale n’est pas une obligation."
L’émotion monte à l’écoute de Mes disparus, une thématique récurrente chez le chanteur, qui avait déjà écrit Nos morts en 2014. Depuis, ses parents Marie-Paule et Henri, à qui ce disque est dédié, sont décédés. "Quand on approche les 60 ans, le cimetière devient assez conséquent. J’ai failli ne pas la mettre car c’est effectivement une redite, mais elle est plus légère que Nos morts, donc je l’ai gardée."
Voitures et adolescence
Rassurez-vous, Miossec n’a pas perdu son sens de la dérision. La preuve avec Mes voitures, où il ose la métaphore entre les voitures et les relations amoureuses: "Celle qui m’avait lâché en pleine nature, et celle dont je ne comprenais strictement rien", chante-t-il avec un brin d’ironie.
"Le terrain était tellement casse-gueule que c’était amusant de faire une chanson comme ça à notre époque… Quelqu’un qui compare ses amours à ses voitures, c’est plutôt une chanson des années 50" sourit le chanteur, qui évoque l’adolescence en fin de disque.
"J’ai été moins adolescent dans mes précédents boulots (NDLR: il a notamment été journaliste à Ouest France) mais chanteur, c’est presque une forme d’adolescence obligatoire. C’est un boulot un peu idiot, un peu crétin… Il faut une certaine naïveté (rires). Ce que je veux dire, c’est que c’est un métier où l’on devient vite une caricature. Et si on ne la supporte pas, cela va mal se passer. Ce n’est pas un boulot innocent. Pour avoir une vie sereine et tranquille, ce n’est pas ce qu’il y a de mieux. Mais grâce à cet esprit adolescent, j’ai toujours cet optimisme de pouvoir continuer à faire de bonnes chansons."
Miossec, "Simplifier", Sony Music.