Aurélie Saada: un 1er disque solo mitonné et ensoleillé
Cuisine, racines tunisiennes, résilience, introspection et son des années 60 sont au menu de " Bombolini ", 1er disque sensuel en solo d’Aurélie Saada.
Publié le 08-02-2023 à 08h00
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Aurélie Saada est radieuse. L’ex-moitié de Brigitte – groupe co-fondé en 2008 avec Sylvie Hoarau et qui a splitté en 2021 – poursuit son aventure musicale et a dédié de nous emmener sur la terre de ses ancêtres, la Tunisie. Un pays ensoleillé et gourmand, comme ces bombolinis (beignets) dorés qui donnent leur nom à l’album. Un disque très personnel, où le "je" est omniprésent.
"Quand j’écris, j’ai envie de me mettre en danger et oser dire au monde entier des choses que l’on aurait presque peur de dire aux plus proches", nous dit-elle, toujours un peu étonnée de voir son prénom et son nom pour la première fois exposés sur une pochette. "Ça me fait bizarre, avance-t-elle. En interview, j’ai encore du mal à dire ‘je’. Cela demande une adaptation."
« Le lexique de la cuisine évoque le vivant »
Avant ce premier album solo, Aurélie Saada a fait un film, Rose, avec Françoise Fabian. "Mais j’ai continué à écrire des chansons, parce que mon piano chez moi, c’est un ami, c’est un exutoire, c’est un terrain de jeu, cela me donne de la joie…"
Et la cuisine n’est jamais loin du piano. "Je cuisine effectivement beaucoup pour mes amis, sourit-elle. Mais j’ai un rapport spécial. Parfois, je n’ai plus envie de me cuire un œuf. Ou si je suis amoureuse, je vais être très maladroite ! C’est un endroit où je suis à la fois forte et fragile." Les paroles des chansons s’imprègnent de cette passion. "Le lexique de la cuisine évoque le vivant. C’est le refuge, la famille, la douceur, la chaleur et puis parfois la violence, la rage… Il peut y avoir quelque chose d’effrayant dans des mots comme dévorer, manger tout cru… On y trouve aussi de l’érotisme, de la sensualité…"
Récemment, elle s’est retrouvée embauchée par Radio France pour chanter, mais également pour cuisiner lors de l’Hyper Week-End festival en janvier denier. "Je me suis retrouvée en cuisine du matin au soir, j’ai tressé 900 pains… Et finalement, je me suis rendu compte que, comme dans la chanson, on fait avec ce qu’on a, avec nos souvenirs… On cuisine nos souvenirs mais on a les écrits aussi…"
Les souvenirs, c’est entre autres la Tunisie de ses parents, qu’elle chante dans une chanson éponyme: "Sur le carrelage de la cuisine ; Entre Créteil et Belleville ; Dans le cumin et la fleur d’oranger ; Dans le chant des bracelets qui dansent autour des poignets…" "C’est la nostalgie de souvenirs que l’on n’a pas eus, explique-t-elle. C’est un pays que je ne connais qu’au travers de parfums, une façon de vivre… Mais il est pourtant fort présent en moi." Alors que ses parents n’y sont jamais retournés, la chanteuse a franchi le pas l’an dernier pour y tourner le clip. "J’avais pris dans mes valises des robes de ma mère, de son mariage oriental et c’était absolument bouleversant. J’ai l’impression que la Tunisie m’a prise dans ses bras. J’ai vu des visages qui me ressemblent…"
« Faire quelque chose de nos douleurs »
L’album laisse une place aussi à la résilience, qu’Aurélie Saada aborde dans Tu n’auras pas ma joie ou Entre danse et combat.
"C’est important de faire quelque chose de nos douleurs… Je ne suis pas du genre à mettre les choses sous le tapis. Ce qui est merveilleux chez l’être humain, c’est que l’on a la capacité de transformer nos peines, nos déboires ou nos douleurs en autre chose. On peut les enlacer, les embrasser… Plutôt que ça m’abatte, je vais en faire des chansons. Il en est question dans quasi toutes les chansons."
Comme dans La Merveille, hommage à sa maman et "aussi à l’histoire qui se répète. Ma mère nous a élevées ma sœur et moi, avec un père un peu absent, et moi j’élève seule mes deux filles. Il y a quelque chose qui se transmet de nos chagrins et de nos forces. Elles chantent d’ailleurs toutes les trois avec moi."
« Si Sylvie m’appelle demain… »
Musicalement, Bombolini est plongé dans les années 50 et 60, avec de la flûte traversière, un orchestre, une touche de Gainsbourg ( Un incendie). "C’est la musique que j’écoute et que j’aime, parce qu’elle a quelque chose de vivant. J’ai enregistré de la même manière que dans ces années-là, c’est-à-dire que j’ai chanté en même temps que les musiciens enregistraient leurs parties. Je voulais de l’inattendu, de la poésie, et pas dans la maîtrise."
Sur scène, la chanteuse s’est d’ailleurs entourée de cinq musiciens, dans un décor de velours rose. "J’aime le Hollywood de Gilda (NDLR: film de Charles Vidor, sorti en 1946), ces actrices, ces personnages hauts en couleur et ces destins de femmes souvent assez durs… J’aime ce paradoxe entre les choses profondes que l’on dit et ce décor un brin exubérant."
Elle reprend aussi des chansons de Brigitte, duo dont elle n’a pas voulu la fin. "Ce n’était pas mon choix. Mais j’aime prendre la vie comme elle se présente. Et j’y trouve quelque chose de très joyeux et de très intéressant pour moi. Mais si Sylvie m’appelle demain pour me dire qu’elle a envie de refaire quelque chose ensemble, j’y retourne immédiatement."
Aurélie Saada, Bombolini, Columbia. En concert le 03/03 à l’Ancienne Belgique.