INTERVIEW | Victor Solf: «Pour moi, l’échec est l’étape juste avant la réussite»
Bercé par la soul, Victor Solf parvient sur son 1er album solo à mélanger celle-ci à l’électro et à la pop pour un album lumineux à écouter au calme.
Publié le 29-05-2021 à 07h00
Trois ans après la fin du groupe Her – suite au décès de son acolyte Simon Carpentier – Victor Solf refait surface avec un premier disque solo très réussi, Sill. There’s Hope. Un disque lumineux où l’électro pop se mâtine d’influences soul, avec des détours par d’émouvants morceaux piano-voix.
Victor, vous auriez pu arrêter la musique après le dernier concert de Her au Zénith, en février 2019?
Non, je n’y ai jamais pensé. Pour moi, faire de la musique, c’est comme respirer de l’air ou boire de l’eau…
C’est surtout une manière d’apprendre à mieux me connaître et à connaître ma vision de la vie, mon optimisme, mon humanisme…
Ce 1er album solo, vous le voyez comme une thérapie, un hommage, un nouveau départ, ou les trois à la fois?
Ce n’est pas un album hommage. Par contre, c’est un nouveau départ, puisque c’est la 1re fois que je m’exprime seul et que je ne me cache pas derrière un pseudo. Mais c’est surtout une manière d’apprendre à mieux me connaître et à connaître ma vision de la vie, mon optimisme, mon humanisme…
C’est plus facile d’être seul que d’être en groupe?
L’expérience n’est pas la même. Il y a d’autres difficultés à être en groupe. Par contre, les choses sont plus collégiales. Même si j’adore confronter mon avis avec les autres, dans ce projet solo, c’est moi qui tranche. Le revers de la médaille, c’est que c’est à moi d’assumer mes choix et potentiellement mes erreurs. Cela peut être angoissant.
Le disque débute par cette boucle entêtante au piano et s’intitule I don’t fit (Je ne corresponds pas, je ne rentre pas). C’est quelque chose que vous ressentez?
C’est quelque chose que l’on ressent tous, de ne pas rentrer dans des cases, sentir qu’on n’est pas accepté. Ce que j’ai voulu dire dans la chanson, c’est que cela peut aussi être une force. Il ne faut pas en avoir honte, au contraire.
Dans le clip, on vous voit avoir un accident de voiture, en sortir et danser…
C’est une idée de Liswaya, un ami avec qui j’ai déjà beaucoup travaillé. Ce que j’aime, c’est que l’accident a lieu et que je me relève. C’est quelque chose qui me caractérise beaucoup. J’ai beaucoup de mal à abandonner. Pour moi, l’échec est l’étape juste avant la réussite.
Et du coup, la voiture revient dans le clip de «How did we?»…
Là, on est plus sur une métaphore évidente liée au voyage et à la liberté. On a réussi à mettre la voiture sur l’eau, juste à la sortie de Brest. C’était un gros pari technique.
De quoi parle cette chanson?
Sur cette chanson, je voulais parler de cette frustration que l’on a parfois d’avoir l’impression de faire tout comme il faut et pourtant, ça ne marche pas… Pour moi, c’est très perturbant car je crois au karma: quand on fait le bien autour de soi, il n’y a que des bonnes choses qui peuvent nous arriver. Et ce n’est pas toujours le cas. L’an dernier, avec la pandémie et le confinement, on s’est tous remis en question par rapport à notre mode de vie et à la fragilité de notre société, de nos systèmes de santé, de nos gouvernements… Je crois que cette chanson peut aussi avoir cette portée-là.
C’est cette idée de revenir à une vie plus minimaliste, d’essayer de faire le tri dans nos vies et de ne garder que ce qui compte vraiment.
«Traffic Lights» est la chanson qui a lancé la composition du reste de l’album. Vous y dites que «le bonheur, c’est tout ce dont on a besoin»…
C’est cette idée de revenir à une vie plus minimaliste, d’essayer de faire le tri dans nos vies et de ne garder que ce qui compte vraiment. Et quand on va au bout de cette idée, ce qui est important, c’est d’organiser sa vie pour essayer d’être heureux. Et c’est quelque chose de très difficile!
Ce morceau se termine par un gospel inachevé…
Je ne suis pas arrivé à trouver une fin à cette chanson et j’ai décidé d’assumer et de jouer la carte de la frustration en coupant net. C’est aussi un clin d’œil au sampling de Kanye West, qui a tendance à terminer ses chansons comme ça.
Par contre, Comet, vous la terminez par des rires de votre fils…
Oui. Il va avoir deux ans. Comet, c’est le nom que je lui donne. Cette chanson est pour lui. J’ai la chance d’avoir un fils qui apprécie la musique et qui bouge la tête même quand il mange. J’en parle donc dans la chanson.
Pour écrire, vous avez quitté Paris et vous vous êtes isolé dans le Finistère. C’était un besoin?
Cela s’est fait par le confinement. J’ai quitté mon appartement à Montreuol et j’ai eu du mal à trouver autre chose. Du coup, je me suis retrouvé dans une petite maison sans internet dans le Nord-Finistère. L’impression de ralentissement du temps due au confinement a été décuplée. J’ai apprécié ce moment. Cela a beaucoup inspiré l’album dans la sérénité et la quiétude qu’il dégage.
Avec Guillaume, on avait la même manière de travailler, les mêmes références électro (Nils Frahm, Jon Hopkins, Modeselektor…). Cela a été très fluide.
Pour la réalisation, vous avez travaillé avec Guillaume Ferran. Qu’est-ce qu’il vous a apporté?
J’avais envie que l’album tourne autour du piano. J’avais le choix: soit me donner quelques années encore pour progresser – car je suis très perfectionniste – soit faire appel à quelqu’un pour les interpréter. Avec Guillaume, on avait la même manière de travailler, les mêmes références électro (Nils Frahm, Jon Hopkins, Modeselektor…). Cela a été très fluide.
Vous pensez à la tournée?
Oui, et j’ai pris la décision radicale de tout jouer en live, sans ordinateur et sans bande. Du coup, on sera cinq sur scène. J’ai vraiment envie de retrouver le côté organique sur scène.
Ce qui m’a donné envie de chanter, c’est la soul music: Ray Charles, Marvin Gaye, Nina Simone…
Est-ce qu’un jour, on pourrait vous entendre en français?
J’ai fait un test sur une reprise de Christine and the Queens et j’ai eu de bons retours. Peut-être un jour… Mais ce qui m’a donné envie de chanter, c’est la soul music: Ray Charles, Marvin Gaye, Nina Simone… Et donc pour moi, c’est une telle évidence de chanter en anglais…
Le lieu idéal pour écouter l’album, ce serait où selon vous? La voiture ou ailleurs?
Le test de la voiture, il est important quand même (sourire). Je ne sais plus quel artiste américain a dit un jour qu’avant de valider un mix, il fallait qu’il aille dans sa voiture pour l’écouter. J’ai vu des fans l’écouter dans la forêt ou en regardant par la fenêtre… C’est un disque à écouter au calme, en prenant le temps.
Victor Solf, «Still. There’s Hope», Universal.