«L’Âme des Poètes» joue la diversité
Sensibilité, finesse, poésie et humour: voici le nouvel albumde ce trio magique qui réenchante la chanson française. Conversation à trois.
Publié le 18-06-2020 à 06h48
En 28 ans et huit albums, Pierre Vaiana (sax-soprano), Fabien Degryse (guitare) et Jean-Louis Rassinfosse (contrebasse) – L’Âme des Poètes – ont exploré le répertoire de la chanson française remodelant les thèmes, les harmonies, les rythmes avec tendresse, invention et souvent humour: Brel, Brassens, les Prénoms d’Amour, la Chanson belge.
Avec cette neuvième galette, le trio rend hommage à la diversité culturelle, à l'altérité en évoquant tous ces «étrangers» qui ont si bien chanté la langue française: Joséphine Baker, Aznavour, Dick Annegarn, Louis Chedid, Ferré, Montand, Salvador, Moustaki (dont Le Métèque donne le titre à l'album). «C'est un album auquel on a commencé à réfléchir suite à la crise des migrants», explique Fabien Degryse. Pour Jean-Louis Rassinfosse, «L'apport d'un thème comme celui-ci est plus profond que de dire «voici des chansons belges» ou «des chansons avec un prénom».» Ainsi le trio a prolongé cette réflexion sur l'apport de l'Autre à la culture française. Ce désir se révèle aussi dans le beau graphisme de la pochette: «C'est l'œuvre de Barly Baruti, auteur de bandes dessinées et musicien d'origine congolaise. Il est venu du Congo pour travailler dans les studios d'Hergé.»
Le thème de l'album est né avec la chanson de Moustaki: «Le Métèque a généré le thème, souligne Pierre Vaiana. On a imaginé parler d'altérité sans parler de nationalité, et la notion de métèque qui était gentiment provocatrice chez Moustaki s'est révélée. On s'est ensuite demandé si on trouverait assez de chansons pour développer ce thème, mais on s'est retrouvé avec plus de soixante titres.» Et douze chansons ont été choisies pour le disque. «C'est un travail de recherche qu'on fait à trois et de là sort un répertoire qui devient nos standards à nous.» On y entend quelques touches jazzy, un peu de bossa, de calypso, de gospel. «Notre approche de l'improvisation reste tout de même une approche jazz dans le sens où on aime bien les harmonies recherchées, les rythmes syncopés, on s'écoute, on s'interpelle, ce sont des démarches fort jazz», ajoute Fabien Degryse. La version originale influence aussi l'interprétation. «Ces chanteurs ont chacun un placement rythmique unique. Par exemple, Charles Aznavour par sa manière de placer les mots sur le temps, en arrière, ou Brassens qui est dans son placement rythmique le plus jazz de tous.» «L'idée est qu'en filigrane on retrouve l'esprit du chanteur qu'on évoque», conclut Jean-Louis Rassinfosse. Et c'est une nouvelle fois une parfaite réussite.
«Le Métèque», L’Âme des Poètes, IGLOO.