Sofiane Pamart, le pianiste des rappeurs: «Je veux faire de la musique populaire»
Sofiane Pamart est le pianiste de rappeurs. Il sort un premier album instrumental et virtuose.
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Publié le 04-12-2019 à 06h30
À28 ans, Sofiane Pamart a de sacrées références, comme une médaille d'or du conservatoire de Lille, des collaborations avec Grand Corps Malade, Isha et d'autres, deux albums en duo avec le Bruxellois Scylla. Entre culture de l'excellence, poésie et brouillage de pistes, il sort son premier album, seul au piano, Planet.
On vous connaît pour votre travail avec des rappeurs, là c’est un album de piano instrumental, pourquoi?
Le piano, c’est mon histoire depuis tout petit. C’est le fil conducteur de ma vie. J’ai fait deux albums avec Scylla et d’autres collaborations, mais le piano, c’est vraiment l’endroit où je peux m’exprimer tout seul. Et je vais continuer à exprimer des trucs plus personnels et en parallèle des rencontres avec des rappeurs de tous bords.
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Pourquoi c’était le moment maintenant pour un album solo?
Je pense que ça demandait un peu de maturité, d’expérience, de vécu pour pouvoir raconter des choses suffisamment intéressantes en musique. Un premier album solo, c’est un événement important. Ça met un peu la pression, l’exigence est très forte par rapport à soi-même. Je sentais que c’était le moment, j’ai pris confiance, j’ai progressé.
Le piano, c’est le fil conducteur de ma vie
Chaque titre porte le nom d’un lieu, d’une ville. Quel est le lien entre les lieux et la musique? Comment les lieux vous inspirent?
Pour l’Alaska, par exemple, je n’y suis jamais allé, mais j’imagine de grandes étendues. J’utilise les sensations pour créer. J’ai déjà passé une nuit dans le désert, mais de sable, pas de glace. J’ai imaginé comment ça pouvait être en version froide. Pour Le Caire, j’imaginais le bouillonnement, une histoire d’amour, une déclaration un peu fleur bleue.
Vous avez fait un clip à la Havane. Ça doit être le seul clip du monde tourné à la Havane où personne ne danse…
J’avais plutôt envie de faire ressentir les couleurs, les odeurs avec les images…
Quelle est votre ville préférée?
J’ai vraiment eu un coup de cœur pour la Havane. Cuba, je recommande à tout le monde d’aller là-bas. L’Égypte aussi, je suis allé au-delà du Caire, dans le sud du pays, à Assouan… je pourrais en parler pendant des heures.
Du coup, ce sont aussi vos morceaux préférés?
C’est un peu lié, mais ça évolue…
Tous les morceaux vont sortir en clip? Vous allez aller à Bora Bora?
Non… le dernier clip, c’est Planet, le dernier morceau de l’album. On l’a allongé et on a utilisé des scènes qu’on n’avait pas utilisées. C’est en quelque sorte la dernière pièce du puzzle.
Chicago, c’est différent, pas de clip mais une version live…
Oui, c’est enregistré au Montreux jazz festival, j’aimais bien aussi l’idée de ne pas montrer la ville mais une version live…
Qu’est-ce qui vous a inspiré à Chicago?
Les mélodies des clubs de jazz, j’en ai fréquenté certains, c’est un univers très enfumé et léger, où il y a de l’alcool, des jeux de séduction. Mais ça reste très doux, je ne voulais pas de jazz ténébreux.
Vous parlez de Montreux, qui est une référence du jazz, vous avez une formation
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classique et vous jouez avec des rappeurs, c’est une volonté de brouiller les pistes?
Je suis un pianiste néoclassique. Dans le classique, l’héritage est lourd, ce sont des compositeurs intouchables. Dans la musique et dans l’attitude, je voulais créer quelque chose de nouveau. Je ne crée pas vraiment un nouveau genre, c’est plutôt un mélange de styles, une nouvelle recette de cuisine avec les mêmes ingrédients.
Dans la musique classique c’est très cloisonné, les compositeurs sont plus rares. Alors que dans le non classique, plus de monde écrit sa propre musique…
Le classique c’est une culture d’excellence, il y a beaucoup de jugement, on se reproche vite des erreurs. Il y a un patrimoine énorme, presque sacré, des siècles de musique. Alors que le rap est tellement jeune, c’est hyperinstinctif et ce côté-là me manquait.
C’est l’approche du piano qu’il faut renouveler, se réapproprier. Les gens ont parfois l’impression que le monde du classique ne s’adresse pas à eux.
Quand on voit les commentaires sous vos vidéos, on voit que les gens qui aiment votre musique n’écoutent pas forcément du classique, ni du piano…
Je suis super-fier de ça! Dans mon public, j’ai des motards, des rappeurs, des mannequins, des profils et des milieux socio-économiques très différents. C’est l’approche du piano qu’il faut renouveler, se réapproprier. Les gens ont parfois l’impression que le monde du classique ne s’adresse pas à eux. C’est dans l’attitude, j’ai plutôt une attitude de rappeur, dans les vêtements, la façon de parler, de me comporter, l’entourage… c’est quelque chose qui reste virtuose mais accessible. Je veux faire de la musique populaire. C’est très noble comme mot populaire, j’en suis très fier.
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Vous êtes d’ailleurs sur le label rap de Pias, Urban Pias
Oui, j’ai une équipe qui bosse avec des rappeurs. Je suis content de ne pas avoir un label classique.
La musique de film, ça vous tente?
Depuis tout petit je veux faire ça. J’ai déjà été approché par des réalisateurs, il y a des projets qui vont se concrétiser…
Vous avez grandi dans une maison où la musique avait une place importante?
Mes parents ne sont pas musiciens. Ma mère aime le prestige du piano. Et puis le fait que ça développe plein de choses chez un enfant de commencer tôt la musique (il est entré au conservatoire à l’âge de 7 ans, NDLR). Mon père est mélomane, il aime la chanson française à texte, ça m’a certainement influencé pour ma collaboration avec Scylla. On est trois enfants, on a tous fait le conservatoire. Je suis l’aîné, le piano est venu comme ça, et puis on s’est rendu compte que j’avais une oreille particulièrement précise. Ma sœur est diplomate mais elle va bientôt revenir sur scène avec moi, au violon. Mon frère est ingénieur en intelligence artificielle à Toronto, mais quand il revient on va rejouer du piano ensemble.
Ils doivent être plutôt contents vos parents…
On a grandi avec le côté très ambitieux, l’idée d’excellence, pas forcément dans la musique mais dans tout ce qu’on fait. Nos parents se sont sacrifiés pour qu’on aille loin, comme leurs parents avant. Le minimum c’est de tout déchirer.
Sofiane Pamart, «Planet», Pias.