«MixMonk»: virtuosité contrôlée
Avec ce remarquable disque, Verheyen, De Looze et l’Américain Joey Baron donnent une lecture de l’œuvre de Thelonious inédite et mélodieuse.
Publié le 06-05-2019 à 08h16
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Thelonious Monk, pianiste et compositeur de jazz, fait partie de cette équipe avec Charlie Parker et Dizzy Gillespie, qui a révolutionné le jazz dans les années 40: le bebop est né et un pianiste au style et à la personnalité atypiques va marquer la fin du XXe siècle. Monk aurait eu cent ans en 2017 et un grand nombre d’artistes lui ont rendu hommage.
En Belgique, le saxophoniste Robin Verheyen et le pianiste Bram De Looze viennent de sortir avec le génial batteur américain Joey Baron une pièce majeure en hommage à Thelonious.
Robin Verheyen explique la genèse du projet: «C’est BOZAR qui m’a demandé d’y réfléchir pour son centenaire. Je ne voulais pas faire quelque chose sans que ce soit original. J’ai tout de suite pensé à Bram comme on travaillait déjà ensemble en duo, je sentais qu’il avait quelque chose de frivole et une manière de jouer qui fait de temps en temps penser à Monk.» Pour rendre la musique de Monk, un duo semblait trop court: «J’ai pensé à Joey Baron car nous avions déjà joué ensemble au festival du Middelheim et j’ai travaillé comme producteur pour quelques disques sur lesquels il a joué.» D’abord formé pour le seul concert à BOZAR, le trio s’est retrouvé avec quelques dates, puis carrément une tournée: «On a alors décidé de poursuivre le projet avec les compositions de Monk, mais aussi avec des originaux de Bram, de Joey et de moi. On est alors entré en studio pour deux jours et ça s’est passé très bien.»
Avec l’expérience des concerts, l’interaction était devenue naturelle. Le choix des thèmes de Monk aborde des compositions peu jouées: «On ne voulait pas reprendre les plus connus comme Round Midnight ou I Mean You où on risquait de se perdre dans des choses plus banales. Pour nous c’était important de trouver des morceaux où on peut donner notre touche: Bya est plus rapide que la version d’origine, Boo Boo’s Birthday plus lent, sur Oska T, notre but était de faire briller la mélodie d’un morceau de Monk, y mettre une émotion, plus que de se mettre en valeur.» À moins de trente ans, Bram De Looze ressent la musique de Monk avec une maturité étonnante: «J’avais sept ou huit ans quand mon père a mis un morceau de Monk à la maison et j’ai réalisé tout de suite le caractère de ce pianiste. Vers douze ans, je me suis mis à écouter ses disques et vers quinze ou seize ans, j’ai commencé à jouer sa musique. C’est surtout sa personnalité qui m’a attiré, j’ai beaucoup de vidéos de lui et rien que voir sa façon de jouer est quelque chose de très spécial, c’est presque un percussionniste, c’est un musicien dont je me sens proche.»
Si la moitié des thèmes sont de Monk, les compositions personnelles naviguent dans l’univers du pianiste: «C’est l’esprit de Monk, son attitude sur scène qui m’a inspiré Dance, dit Robin. Quant à Fifty Fifty, comme le titre l’indique, on a travaillé ensemble sur ce morceau qui était très improvisé et à un moment donné, on s’est dit «c’est ça!». «MixMonk est une composition de moi, très courte, pleine d’énergie. Il y a de plus en plus de musiciens qui délaissent les morceaux de huit minutes, mais qui laissent respirer la musique. À l’époque de Monk, beaucoup de morceaux étaient aussi fort courts.» Voici bien un disque qui pourrait servir d’introduction au fantasque Thelonious tant le discours y est clair, mélodieux et accessible à la fois. Un disque majeur pour le centenaire du géant américain.
«MixMonk», Universal Music