Avec Rossini, Lemieux est l’amie du beau
Voici tout juste 17 ans, elle inscrivait le Canada dans l’histoire du Concours Reine Élisabeth. Marie-Nicole Lemieux revient en CD et concert avec Rossini.
Publié le 13-06-2017 à 06h00
Elle a la générosité que l'on retrouve dans sa voix de contralto. Marie-Nicole Lemieux, c'est comme on dit un «sacré» personnage. Et la Québécoise n'a jamais oublié Bruxelles et le 27 mai 2000, jour où elle a remporté le Concours Reine Élisabeth, session chant. «Cette année, le 27 c'était de nouveau un samedi. Exactement comme voici dix-sept ans. Chaque année je me souviens. Je dois bien avouer que je ne pensais pas gagner. Mais c'est quelque chose qu'on n'oublie pas. Pour le concert des lauréats, toute ma famille était venue…»
Retour à Bozar
Dix-sept ans plus tard, la jeune femme retrouvera la salle du Palais des Beaux-Arts les 11 et 14 octobre 2017 pour une version concertante (avec le chœur d'hommes et l'orchestre de La Monnaie) de Tancredi de Rossini. «Nous proposerons les deux fins imaginées par Rossini, une joyeuse et une dramatique. C'est assez fantastique.» Elle sera aussi le 26 octobre à Anvers (deSingel) dans un programme de mélodies. Mais son actualité c'est la sortie chez Erato (Warner Classics) d'un CD entièrement consacré à des arias et duos tirés des opéras de Rossini. Une évolution normale pour elle. «J'ai surtout enregistré du baroque et des mélodies mais quand on voit ce que je fais actuellement sur scène et l'évolution de ma voix, Rossini c'est un prolongement normal. Rossini puise dans Mozart mais va amener l'opéra vers le bel canto. A la fin, il sera de plus en plus mélodique et dramatique et il va ouvrir la voie à Verdi puis au vérisme.»
L'originalité du CD «Rossini, Si, Si, Si, Si!» c'est aussi de proposer les deux visages rossiniens d'une contralto. «Quand Rossini compose ses opéras, les castrats ont déjà pratiquement disparu. Il va donc écrire des rôles dramatiques pour des contraltos qui apparaissent travesties. Mais il écrit aussi des rôles féminins pour contralto dans le registre de l'opéra-bouffe. Le CD rassemble les deux. C'est un peu du rire aux larmes et vraiment je m'épanouis dans les deux.»
Enregistrement public
Un CD qui cumule aussi la difficulté d'un enregistrement public. «On a enregistré deux générales et deux concerts. Chanter en public permet de ne pas rester dans sa bulle, de donner réellement quelque chose aux gens. Je suis plus que perfectionniste, je veux tout! (rires) Je veux la beauté et le drame, la beauté et le rire dans la voix.»
Premier enregistrement avec un «major», Marie-Nicole Lemieux n'a pas (trop) peur de perdre sa liberté dans ce nouveau contrat (elle était auparavant chez Naïve). «Jusqu'ici ça va, j'ai mon mot à dire. Même si les impératifs sont différents. En termes de promotion, entre autres… Mais vocalement, je pense que c'est un bon moment pour moi. Ma voix a évolué, elle est plus solide, c'est normal. J'ai plus confiance en moi, même si le stress est toujours là. Mais il est différent. Avant j'avais peur de ne pas être aimée du public. Maintenant, j'ai surtout peur de décevoir.»
Un second enregistrement est déjà annoncé pour cet automne. «Les Troyens de Berlioz, c'est le rêve de toute une carrière, celle du chef John Nelson. Ça a été une expérience incroyable.» Et une distribution qui l'est tout autant puisqu'on retrouve aux côtés de Marie-Nicole Lemieux des chanteurs comme Joyce DiDonato, Michael Spyres ou encore Stéphane Degout pour n'en citer que quelques-uns. «Quelle ambiance, se souvient la contralto, c'était que des copains, nous étions comme des gamins. (rires)»
Première Canadienne à inscrire son nom au palmarès du Reine Élisabeth, Marie-Nicole Lemieux est tout aussi présente au Canada qu'en Europe. Et parfois le mal du pays est là. «La solitude de la chambre d'hôtel après le concert, il n'y a pas une école qui vous y prépare. Tant qu'on n'a pas vécu le mal du pays, on ne comprend pas ce que c'est. On se rend compte de l'importance de la famille. Mais depuis une dizaine d'années, j'ai un réseau stable d'amis et surtout j'ai la chance d'avoir internet. Je peux voir et parler à ma fille deux fois par jour!»
«Rossini, Si, Si, Si, Si!», Marie-Nicole Lemieux, Patrizia Ciofi, Orchestre national de Montpellier Occitanie dirigé par Enrique Mazzola, Erato