Sur « Îl », Mathieu Chedid et M ont le « mojo »

Avoir le «mojo», c’est avoir du sex-appeal. Et y a pas à dire, sur ce sixième album studio, Matthieu Chedid l’a capté. Hétéroclite et débridé, pensé comme un film, «Îl» amorce une nouvelle ère.

Sur Mister Mystère, son précédent album, Mathieu Chedid, alias M, avait basculé un peu du côté obscur de la force. Avec Îl, le voilà de retour dans la lumière, plus rock que jamais. En témoigne l'entraînant single Mojo (NDLR: mot d'argot américain signifiant sex-appeal, mais qui possède plein d'autres significations), dans la lignée de Machistador paru sur Le baptême ou du Complexe du Corn-Flakes sur Je dis aime. Pour ce sixième album studio solo, Matthieu Chedid est de retour à la manœuvre quasi intégralement, avec la complicité de nouveaux camarades de jeux rencontrés à Los Angeles: Dorion Fiszel et Brad Thomas Ackley. Un album coloré, dont l'écriture a débuté à La Réunion, et qui rappelle les débuts de M, ce double artistique extravagant.

Qu’est ce qui motive ce retour de M dans la lumière ?

On est victime de son inspiration, de l’humeur dans laquelle on vit. Non pas que j’aie été déprimé quand j’ai écrit Mister Mystère, mais j’ai cherché une lumière au fond de moi et maintenant je la ressors comme un flambeau multicolore. Il fallait que je passe par là pour revenir avec une envie de disque explosif, une intensité…

On a l’impression que vous avez voulu réduire la distance entre le disque et la scène…

J’ai beaucoup pensé à ça… J’avais envie que, quand on met un peu fort, on ait envie de sauter en l’air, avec cet instinct adolescent…

Sur « Mister Mystère », vous étiez entouré par votre famille: Anna dans les chœurs, Joseph comme musicien, Émilie pour les visuels et votre père au mixage. Ici, à part pour les chœurs sur « Baïa », ce n’est plus le cas…

C’est vrai qu’il y a une rupture, c’est une manière pour moi de ne pas retomber dans des réflexes. Par contre, j’ai quand même fait collaborer ma fille Billie: c’est elle qui a dessiné la pochette à l’iPad. Et puis il y a ma cousine Berryl Kotz, qui a réalisé le clip de Mojo et ma grande sœur Émilie qui m’a aidé pour l’aspect visuel…

Vous continuez encore et toujours à expérimenter. On retrouve des sonorités flamencos sur « Baïa », asiatiques sur « Machine », manouches sur « Saraï »… C’est un besoin ?

C’est la couleur de M.Je n’ai jamais fait un album entièrement funk ou entièrement rock. Il y a toujours eu cette diversité. Ici, comme j’ai bossé avec des gens de Los Angeles, il y a un son un peu plus frontal, un peu rugueux… Et quand je fais sur cet album un truc manouche, je le fais à l’américaine: on est encore plus dans le cliché et on s’en rend sans doute plus compte.

On ressent un certain « lâcher prise » sur cet album. On se trompe ?

Non. Je me suis émancipé de certaines peurs. La peur du ridicule, cela faisait longtemps déjà (sourire)… Mais là, je vais encore plus loin. D’une part je me suis masculinisé, j’ai 40 ans, ma fille a dix ans et, d’autre part, j’ai encore plus envie de faire n’importe quoi, au sens surréaliste du terme. Dorion Fiszel et Brad Thomas Ackley, que j’ai rencontré à Los Angeles, m’ont dit: « Chante plus comme M en 1998 ! » Ils avaient analysé ma voix et son évolution, chose à laquelle je n’avais jamais pensé. Je me suis amusé à retrouver ma voix du Baptême ou de Je dis aime.

Sur cet album, M a le « mojo ». Est-ce que Matthieu Chedid a le « mojo » aussi ?

Matthieu vit des choses intimement. Après je zoome dans mon intimité et j’essaye de faire du spectacle avec M.Donc effectivement, il n’y aurait pas de « mojo » sur l’album si Matthieu n’en avait pas non plus… Tout est lié. Mais il y en a un qui le vit de façon ordinaire et l’autre de façon extraordinaire.

Le clip a été tourné à l’improviste à Paris ?

Totalement ! L’idée était de faire une performance. En gros, je suis revenu à l’essentiel. On est parti dans la rue, j’ai inventé rapidement une chorégraphie marrante et on est allé délirer. On a mis le son très fort dans la rue, et il s’est passé des choses… On a filmé plein de performances et on a fait un clip…

Et Thomas Dutronc passait par là ?

Exactement, il revenait de vacances ce jour-là et on était à côté de chez lui. Je lui ai dit de venir danser avec nous…

L’album débute par une sorte de double provocation: le premier morceau s’intitule « Elle » et il dure plus de six minutes…

C’est une manière d’afficher tout de suite l’état d’esprit de ce disque. J’aime profondément l’audace. J’y crois, comme je crois à l’enthousiasme. Donc mettons la chanson la plus audacieuse d’emblée, comme ça les choses sont claires…

« La grosse bombe », on peut dire que c’est la chanson « engagée » de l’album ?

Oui, mais avec toujours une pointe d’humour. Je suis fondamentalement apolitique, je ne prends pas parti. C’est une chanson très ancienne qui est toujours d’actualité aujourd’hui. Il y a un cri du cœur, on est oppressé par tout ça…

La Maison de Saraï, elle existe vraiment ?

Oui. Saraï est la sœur de Dorion, qui a fait le disque avec moi. Elle est maquilleuse au cinéma. C’est la House of love, c’est l’endroit où tous les Français se retrouvent. La propriétaire de cette maison était l’« inventeuse » de la pédale wah-wah. Jimmy Hendrix, les Beatles et autres y allaient faire la fête. Il y a des ondes d’Hendrix dans cet endroit. Il s’y passe toujours des choses folles, où l’on voit réellement des barbus en tutu… Cette chanson est partie d’une soirée folle, la célébration d’une maison magique.¦

M, « Îl », Universal.

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