Vincent Engel : l’adieu à Montechiarro
"Vous qui entrez à Montechiarro" achève un cycle italien de cinq romans élaboré depuis plus de vingt ans autour d’un village toscan imaginaire.
- Publié le 03-06-2023 à 04h30
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"V incere." Inscrit en lettres capitales à la toute fin du roman, ce verbe italien qui signifie "vaincre", "remporter", "surmonter", et peut aussi être compris comme le vrai prénom du narrateur, Baptiste Morgan, clôt les quelque 2683 pages que comptent les cinq livres formant un ensemble appelé Le monde d’Asmodée Edern.
Il traduit à n’en pas douter l’état d’esprit de Vincent Engel qui, trois étés d’affilée, en 1997, 98 et 99, a entamé cette ambitieuse aventure éditoriale qui se referme 25 ans plus tard. Les tomes qui la composent – Retour à Montechiarro, Requiem vénitien, Les Absentes, Le Miroir des illusions, Vous qui entrez à Montechiarro – s’attachent chacun à des personnages différents, avec comme point commun l’Italie des XIX et XX siècles, du Risorgimento (l’unification du pays en 1848-49) à la Deuxième Guerre mondiale.
Amoureux de l’Italie
"En 1979, en quatrième année, se souvient l’écrivain belge, je suis allé avec ma classe à Rome. Ce séjour a été une illumination pour moi, je suis vraiment tombé amoureux de cette ville et je me suis fait le serment d’y revenir. J’ai ensuite découvert Venise et la Toscane."
Adulte, il va passer tous ses étés en Italie, ne cessant d’écrire. "La beauté de la Toscane actuelle est le fruit de son extrême pauvreté au XIXe siècle, relève-t-il. Elle n’a pas connu l’industrialisation, a été victime d’épidémies de choléra, de la famine, etc. Et, jusqu’à la toute fin de la Deuxième Guerre mondiale, elle a été l’un des champs de bataille les plus effroyables. Et à la même époque, Venise était aussi dans un état déplorable. C’est tout cela que j’ai voulu raconter."
Jeu d’emboîtement
Même si, lorsqu’en 2001 paraît Retour à Montechiarro, il n’a pas une idée précise de la suite. Il sait seulement qu’il ne veut pas devenir "le gars qui ne fait que de l’italien". C’est pourquoi, entre les différents tomes, il publie d’autres romans: Les Angéliques et Les Diaboliques, Le Mariage de Dominique Hardenne, La peur du paradis ou Maramisa. Ou encore Mon voisin, c’est quelqu’un. Cette percutante fable sur la banalisation du fascisme, il la signe du nom de Baptiste Morgan qui est aussi l’un des héros de son cycle italien, comme si, dans un jeu d’emboîtements qu’il affectionne, ce double littéraire en était lui-même l’auteur.
Asmodée Edern, alias Thomas (ou Tommaso) Reguer, qui donne son titre à cet ensemble de cinq livres, en est une autre figure récurrente. Mais si, dans la Bible, il est un démon chassé par l’archange Raphaël, il est ici un être positif. "Il intervient dans la vie de certaines personnes pour qu’ils se rendent compte que la vie pourrait être autre chose que ce qu’ils s’imaginent. Chacun, au cours de sa vie, connaît des épisodes non rationnels mais auxquels il croit dur comme fer." Asmodée Edern est aussi le nom de la maison d’édition que Vincent Engel s’apprête à lancer dans quelques mois.
Vincent Engel, "Vous qui entrez à Montechiarro", Ker Éditions, 412 p. Signature ce samedi entre 14 et 16h à la librairie Cultura, 22 rue Joffre à Liège