R.J. Ellory en terre inhospitalière
De retour dans la cité minière canadienne de son enfance, le héros d’"Une saison pour les ombres" est confronté à des meurtres non résolus.
Publié le 14-05-2023 à 19h00
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Jasperville est une cité du nord-est du Québec construite autour de ses mines d’acier. À part les familles de mineurs, et quelques commerçants et artisans, personne n’y vit. Qui le voudrait, d’ailleurs, tant cette région peuplée d’ours et de loups, où il peut faire jusque moins 30 degrés à midi, est inhospitalière ? Ce n’est donc pas de gaieté de cœur que, longtemps après en être parti, Jack y revient pour aider son frère accusé d’avoir agressé un homme. Il va être replongé dans une histoire ancienne: les meurtres jamais élucidés de deux adolescentes lorsqu’il était enfant.
Cette confrontation difficile avec son passé, et avec son ex-petite amie qui tient le seul hôtel du coin, est scandée par son histoire familiale, de l’arrivée de ses parents en 1969 à sa fuite pour Montréal 15 ans plus tard. "Ces villes construites dans les années 50 sont des sortes de prisons à ciel ouvert, constate R.J. Ellory. Mais Jack se rend compte que c’est de sa conscience et de sa culpabilité qu’il est prisonnier. S’il a jadis pensé qu’en fuyant, il serait libre, il réalise que, s’il veut réellement être libre, il doit y retourner."
Ce retour n’est, géographiquement, pas simple, la distance séparant Montréal de Jasperville se franchit en plusieurs jours et l’oblige à prendre différents trains. Comme si revenir dans son enfance se méritait. À cette double narration entremêlant efforts psychologique et physique fait écho une double enquête ; celle d’hier sur les meurtres et celle d’aujourd’hui sur le geste du frère de Jack. "Ce qui m’intéresse, c’est moins la violence et les meurtres que la manière dont les personnages vont parvenir à gérer la situation."
"Écrire des livres auxquels on continue de penser"
Une légende locale traverse Une saison pour les ombres, celle de créatures maléfiques, les Wendigos. "Il s’agit d’une légende extrêmement ancienne appartenant à l’histoire des Indiens native américains. Ces créatures vivent dans des environnements froids et hostiles et ont le pouvoir d’occuper la pensée et l’esprit des hommes et d’ainsi les inciter à commettre des actes de violence. C’est une légende très codée, il faut respecter certaines tournures de phrases pour ne pas paraître irrespectueux."
Si, depuis une vingtaine d’années, R.J. Ellory écrit des best-sellers traduits dans de nombreux pays, il lui a fallu de la ténacité pour y arriver. Il a en effet écrit une trentaine de romans, tous refusés par les éditeurs – il a conservé les quelque 600 lettres reçues -, avant de publier en 2003 son premier polar, Papillon de nuit. "Le roman policier me permet de mettre des personnages ordinaires dans des situations extraordinaires et d’explorer une grande variété d’émotions. Le drame de la vie et la psychologie humaine me passionnent. J’essaie d’écrire des livres auxquels le lecteur va continuer de penser une fois terminés."
R.J. Ellory, "Une saison pour les ombres", Sonatine, 398 p.