BD, la nouvelle machine à vulgariser
Delcourt lance, avec les éditions La Découverte, une collection consacrée aux sciences humaines et sociales. Un travail de vulgarisation salvateur, et à la portée de tous, en dépit de l’apparente complexité de ses sujets.
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Publié le 03-05-2023 à 17h06 - Mis à jour le 11-05-2023 à 10h00
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«Cerveaux augmentés (humanité diminuée?)», Benasayag/Murat, La Découverte Delcourt, 184 p., 24.95 €.
«Le genre du capital», Gollac/Bessière/Puchol, La Découverte Delcourt, 128 p., 21.90 €.

Le succès, assez dingue, du Monde sans fin (Dargaud), un essai qui abordait les dérives climatiques et énergétiques de notre époque, l’a récemment prouvé : il y a de la place, dans le monde de la bande dessinée, pour des sujets ardus, pour peu qu’ils soient en connexion avec notre société.
Cette nouvelle réalité éditoriale, les éditions Delcourt l’ont bien appréhendée et lancent, ce mois-ci, une nouvelle collection dédiée aux sciences humaines et sociales : «Le projet date de bien avant cela, mais nous serions bien sûr ravis si l’un de nos titres venait à connaître un succès comparable à celui du Monde sans fin», sourit Sylvain Venayre, l’historien et auteur en charge de la collection,
Socio et philo

On ne jurerait pas qu’ils n’y parviendront pas. Car les deux premiers ouvrages venus déflorer cette collection menée en duo avec les éditions La Découverte forment un attelage impressionnant : Cerveaux augmentés (humanité diminuée?), prolongement par lui-même (et avec l’aide du dessinateur Thierry Murat) d’un essai publié en 2016 par le philosophe Michel Benasayag, aborde avec intelligence la question du transhumanisme et les dérives du tout-numérique; de son côté, Le genre du capital est la transposition dessinée (et très didactique) d’une enquête sociologique venue pointer du doigt les inégalités, par exemple de genre, qui persistent au sein des familles (et des études notariales), notamment lorsqu’il est question d’héritage ou de patrimoine.
Aucun sujet n’est impossible à aborder en BD
L’un et l’autre confirment une véritable tendance, celle qui voit le monde académique investir d’autres horizons que les fameuses revues dans lesquelles il se contentait, jadis, de publier les résultats de ses travaux : théâtre, cinéma et donc bande dessinée incarnent, désormais, de nouvelles manières de toucher le grand public. «Et de lui permettre, appuie Sylvain Venayre en pointant du doigt les dérives complotistes de l’époque Covid, de s’approprier des savoirs pour mieux comprendre le monde et, peut-être, agir pour, qui sait?, le changer.»
Une ambition «apolitique», qui ne s’interdit rien, ni en terme de pagination, ni en terme de genre puisque même le prisme de la fiction est envisagé par le directeur de collection et son équipe. «Aucun sujet, estime-t-il, n’est impossible à aborder en BD : les auteurs d’aujourd’hui ne cessent de le prouver.»
D’abord des pédagogues
Et que ceux qui craindraient d’être un peu dépassés se rassurent : tout est fait pour les prendre par la main : «Il ne faut pas oublier que les spécialistes avec qui nous travaillons sont souvent d’abord des pédagogues, qui ont l’habitude de vulgariser leur savoir à destination d’un public d’étudiants. La seule chose qu’ils ne maîtrisent pas encore, et où nous intervenons, ce sont les codes de la BD», conclut Sylvain Venayre.
