Avec "Stern" (Dargaud"), c'est plus belle la mort

Il fait bon être fossoyeur en bande dessinée. La preuve avec «Stern», série de haute volée dont le cinquième volet vient de sortir.

"Stern", tome 5, Dargaud, 2023
"Stern", tome 5, Dargaud, 2023 ©Dargaud

«Une simple formalité», Maffre/Maffre, Dargaud, 72 p., 16 €.

"Stern", tome 5, Dargaud, 2023
"Stern", tome 5, Dargaud, 2023 ©Dargaud

Oubliez, ne fût-ce qu’un temps, l’ami Pierre Tombal. Parce que les deux croque-morts les plus intéressants de la bande dessinée se situent un peu plus en amont dans l’Histoire, au cœur de westerns qui comptent parmi les meilleures séries du moment : il y a bien sûr l’Undertaker du duo Dorison-Meyer; mais aussi Stern, une série moins habituée aux feux des projecteurs et dont le cinquième tome prouve une nouvelle fois toute l’étonnante… vitalité.

"Stern", tome 5, Dargaud, 2023
"Stern", tome 5, Dargaud, 2023 ©Dargaud

Ce n’est pas le seul point commun entre les deux sagas : elles possèdent le même éditeur (Dargaud), ont été lancées quasi simultanément (en 2015) et possèdent, en guise de héros, de parfaits misanthropes qui cherchent à fuir le monde et la compagnie des hommes. Et si le premier – Jonas Crow, le héros d’Undertaker (déjà 6 tomes) – noie ses fantômes dans l’alcool, Elijah Stern les oublie en s’immergeant, dès que possible, dans… la lecture.

Loin des clichés virilistes du western à l'ancienne

La chose est singulière au cœur d’un univers – le grand Ouest et sa machine à fantasmes – guère habitué à de tels décalages. C’est, précisément, ce qui fait le charme de Stern : parce qu’il est globalement passé de mode, tant au cinéma qu’en bande dessinée, le western permet d’explorer d’autres voies, moins «héroïques», donc moins nourries de clichés souvent virilistes – ainsi que l’a encore prouvé, voici quelques semaines, le one-shot La femme à l’étoile.

Le taciturne Elijah n’est dès lors pas un as de la gâchette, mais un gringalet au physique passe-partout qui voudrait bien vivre (chichement) à l’écart de tout… sans jamais y parvenir, bien sûr. Si bien qu’après trois premières aventures, il avait dû quitter le Colorado et la petite ville de Morrison, où il donnait de la pelle, pour gagner La Nouvelle-Orléans.

Frédéric Maffre, qui a imaginé la série pour son frère dessinateur Julien (La banque), y trouve un terreau favorable à l’expression de ses obsessionshumanistes : après avoir défendu au préalable la cause d‘autres minorités (les Afro-Américains, les Hispaniques voire… les alcooliques), ce cinquième volet voit Elijah refuser d’accuser, à tort, trois Italiens d’un braquage et d’un meurtre qu’ils n’ont pas commis.

Comme souvent, son intégrité se retournera contre lui et le gaillard, pourtant pas taillé pour ça, se retrouvera dépassé par une aventure haletante, qui pose un regard sans concession sur le monde – celui d’alors comme celui d’aujourd’hui – et ne donne qu’une seule envie : celle de souhaiter longue vie au croque-mort le moins cool de l’Ouest.

"Stern", tome 5, Dargaud, 2023
"Stern", tome 5, Dargaud, 2023 ©Dargaud
Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...