Un amour suspendu [CRITIQUE & INTERVIEW] - L’amour pour hypothèse

Pour son premier scénario de BD, la romancière Pilar Pujadas fait se rencontrer deux inconnus, qui vont imaginer leur future vie ensemble. Beau.

 Et si le plus beau moment d’une histoire d’amour restait celui de la rencontre?
Et si le plus beau moment d’une histoire d’amour restait celui de la rencontre?

Pilar Pujadas – aucun rapport avec le journaliste de France Télévisions – n’avait encore jamais tâté de la bande dessinée. À 62 ans, cette Espagnole qui écrit directement en langue française s’était surtout fait remarquer, jusqu’à présent, par des ouvrages destinés à la jeunesse puis des romans qui, tous, avaient un point commun: ils parlaient d’amour.

Rien d’étonnant, dès lors, à ce que son grand saut vers le neuvième art soit teinté, une fois encore, du plus noble des sentiments: "J’aime trop l’amour", sourit celle qui est installée à Bruxelles depuis de nombreuses années.

Tout est parti d’une photo

Un amour suspendu – c’est le titre de l’ouvrage – tient aussi à l’amitié qu’elle entretient de longue date avec Luc Peiffer, un dessinateur, bruxellois lui aussi, qui avait rapidement bifurqué, en début de carrière, vers le marketing et la communication. "C’est lui qui m’a proposé ce défi, se souvient Pilar Pujadas. Il m’a envoyé la photo d’une inconnue seule sur une plage, et m’a demandé si j’étais capable d’imaginer un scénario de bande dessinée à partir de ça. "

Le visuel inspire la sexagénaire. Qui en fait l’un des deux protagonistes de son histoire. Une jeune femme qui vient de quitter l’appartement qu’elle partageait avec son compagnon, fâchée de son manque d’engagement. Sur cette bande de sable, elle croise un jeune homme désabusé, lui, par sa vie sentimentale. Sans savoir pourquoi, ces deux-là vont se livrer puis projeter une vie conjugale ensemble, imaginer leur quotidien, leur mariage, leurs enfants, leurs disputes et même le jour où, peut-être, la mort viendrait les séparer.

Un récit malicieux, d’une grande puissance romantique. Et un huis clos… en plein air, qui rappelle à tous le bonheur des rencontres impromptues: "On a tous connu ce sentiment, analyse Pilar Pujadas. Celui d’être capable de se confier plus facilement à un ou une inconnue qu’on vient de rencontrer qu’à celui ou celle qui partage notre vie. C’est ce que vivent, l’espace d’une journée, ces deux-là. Ils sont dans une impasse et cette rencontre va peut-être contribuer à débloquer quelque chose chez eux."

Le suspense, que nous ne sacrifierons pas ici, consiste bien sûr à savoir s’ils franchiront le pas et finiront bel et bien ensemble. "Bien sûr, même si, au final, ce n’est pas si important. Parce qu’au-delà de l’amour, cet album raconte qu’il n’est jamais trop tard pour repartir d’une page blanche", estime la scénariste… débutante avant de reprendre, une respiration plus loin: "C’est peut-être pour ça que l’on écrit des romans: pour pouvoir réinventer nos vies à chaque livre."

KENNES | Pujadas/Peiffer, 72 p., 19,95 €.

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