"Le royal fondement", l’Histoire par le petit bout de la lunette
Philippe Charlot romance l’opération pratiquée, en 1686, sur la fistule anale du roi Louis XIV, dans une bande dessinée déjantée et documentée.
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Publié le 10-02-2023 à 20h00
Nous sommes, paraît-il, tous égaux devant la lunette des toilettes. C’est vrai aujourd’hui, et ça l’était déjà au XVIIe siècle, alors que Louis XIV régnait et devait faire face à un petit souci de santé quelque peu embarrassant: une fistule anale – affection courante à l’époque, quand lavements, longues chevauchées à cheval et repas gargantuesques étaient une pratique courante au sein de la haute société - pour laquelle il allait devoir se résoudre à passer sous le bistouri de son royal chirurgien.

Un épisode authentique relaté, aujourd’hui, par Philippe Charlot dans Le royal fondement. "Le récit, annonce le scénariste, suit le parcours d’un jeune homme destiné à reprendre la boucherie de son père, mais qui veut devenir barbier. Il est aussi question d’un complot visant à renverser le roi. Tous ces éléments relèvent de la fiction et viennent pimenter le récit. En revanche, concernant l’opération, tout est vrai et documenté. Nous avons tous les détails des préparatifs, puis de l’intervention. À l’époque, tout ce qui touchait au roi, même à sa plus profonde intimité, était livré au public."
On sait, ainsi, que c’est à cette occasion que Charles-François Félix, le chirurgien du Roi-Soleil, utilisa pour la première fois le bistouri recourbé dit "à la royale", conçu spécialement pour cette intervention et qui reste exposé, aujourd’hui, au musée d’Histoire de la médecine de Paris. Un engin testé, en amont, sur de pauvres hères qui n’eurent pas, eux, la chance de survivre à une opération alors moins bénigne qu’il n’y paraît – les hémorragies fatales étaient nombreuses.
Plus de Funès que Kinski
Le sujet ne prête pas donc qu’à sourire. C’est toutefois par le prisme de l’humour que Philippe Charlot a décidé de le prendre: "C’est un peu scabreux, en effet, mais je me voyais mal l’aborder d’une autre façon. Ce qui est amusant, ce sont toutes ces précautions d’usage lorsque l’on s’adresse au roi. Sur un simple lever de sourcil, il peut figer la salle dans le silence, car tout le monde a peur pour sa tête. Pour autant, je crois que notre Roi-Soleil est plutôt rendu sympathique par son côté ridicule. Les pratiques et les coutumes qu’il a instaurées prêtent à sourire. C’est plus Louis de Funès que Klaus Kinski."

Drôle et documenté, Le royal fondement nous en apprend aussi beaucoup sur lespratiques médicales de l’époque. Volontiers taquin, Philippe Charlot valide même la version selon laquelle le God Save the Queen adulé si sacré Outre-Manche pourrait avoir été composé par Lully… à l’occasion de cette opération du 18 novembre 1686, et chanté pendant son déroulement par les fameuses "demoiselles de Saint-Cyr".
Des histoires comme il en existe d’autres et comme l’ami Charlot pourrait encore en écrire puisqu’une "suite", en l’occurrence sur les… problèmes uro-génitaux d’Henri IV, devrait bientôt voir le jour. "Cela, confirme-t-il, s’appellera Le Royal Zoziau ". Tout un programme.
Grand Angle, Charlot/Hübsch, 72 p., 16.90 €.