Hommage aux « disparus de Gatti de Gamond »
Frédéric Dambreville découvre que sa maison a été le lieu d’une rafle en 1943. Son enquête a débouché sur ce passionnant livre historique.
- Publié le 13-12-2022 à 06h00
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"Je ne sais plus quelle fut ma réaction quand j’appris peu après mon installation à Bruxelles que j’habitais sur les lieux mêmes d’une rafle. Mais je sais que je ressentis le besoin immédiat d’en comprendre les tenants et les aboutissants." De ce "besoin" est né un livre épais, dense, d’une incroyable richesse, bluffant par l’ampleur de sa documentation et son sens de la dramaturgie.
En 2009, Frédéric Dambreville, éducateur dans des quartiers défavorisés de Paris, rejoint sa compagne dans la capitale belge. Intrigué par une inscription gravée sur la cheminée du salon de la maison qu’ils louent, il se demande qui y a vécu. Très vite, il découvre que cette bâtisse située non loin du square Montgomery, à Woluwe-Saint-Pierre, a été, dès la fin des années 20, un pensionnat laïque pour jeunes filles étrangères qui venaient y apprendre le français, l’institut Gatti de Gamond. Mais, surtout, que cette école dont les directeurs, le couple Ovart, étaient engagés dans le Résistance, a été le théâtre d’une rafle à l’aube du 12 juin 1943. Car des enfants juifs y étaient hébergés. Entre dix et quinze, plus quelques adultes, selon les sources, ont été arrêtés et déportés.
À partir de deux articles, dont un très riche de Viviane Teitelbaum, il va tirer les fils de cette histoire pour tenter de la reconstituer au plus près de la vérité. Ses recherches convergent notamment vers Andrée Gueulen, qui y travaillait comme surveillante, et que lui-même rencontrera bien plus tard. En 2003, un film a été partiellement consacré à celle qui, à la demande du CDJ (Centre de défense des Juifs), avait fait entrer des enfants juifs dans l’établissement. Son travail de fourmi l’amène aussi vers une autre femme, Hélène Gancarska (futur première épouse de David Susskind), "l’aînée des pensionnaires" qui, après être passée par Malines, sera déportée à Auschwitz, d’où elle reviendra.
Frédéric Dambreville a également retrouvé des photos de l’institut et des enfants. Plusieurs d’entre elles sont reproduites dans cet ouvrage qui suit pas à pas les protagonistes dont son auteur a retrouvé les traces. Les disparus de Gatti de Gamond est construit comme une vraie enquête, avec ses zones d’ombre, ses contradictions et recoupements dans les sources et témoignages, etc. Et au-delà de l’aventure de ce pensionnat, il constitue un exceptionnel récit historique qui replonge dans celle de la Belgique au cours de la Seconde Guerre mondiale.
Frédéric Dambreville, « Les disparus de Gatti de Gamond », CFC, 776 p.