De Berlin à Shanghai avec Marek Halter
Inspiré de la vie de sa tante couturière en Allemagne, " La Juive de Shanghai " marque le retour au roman de l’écrivain six ans après " Ève ".
- Publié le 29-11-2022 à 06h00
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En 1937, Ruth, juive polonaise de 22 ans, travaille dans un atelier de couture à Berlin. Sa patronne, Frau Opel, est une protestante antinazie qui tente de la protéger, lui proposant par exemple de changer de nom. Jusqu’à ce qu’Eva Braun elle-même s’intéresse à une robe qu’elle a coupée. Le risque est trop grand, elle doit fuir. "Les premiers opposants à Hitler ont été les protestants et les évêques catholiques. Un certain nombre d’entre eux a d’ailleurs été enfermé à Dachau, un camp construit à côté de Munich", rappelle Marek Halter qui en profite pour décrire avec précision le métier de couturière.
Après un séjour à Varsovie, la jeune femme part avec plusieurs membres de sa famille, et notamment son cousin dont elle est amoureuse, vers la Lituanie où le consul du Japon – futur Juste parmi les nations – accorde des visas pour son pays. Le petit groupe traverse la Russie dans un train de marchandises et débarque au Japon qui vient d’entrer en guerre aux côtés de l’Allemagne. La famille est alors envoyée à Shanghai où vit une importance communauté juive.
Pour le personnage de Ruth, Marek Halter s’est inspiré de sa jeune tante, une couturière qui, comme dans le roman, sauve une Allemande communiste pourchassée par les nazis. La jeune femme achète un cahier dans lequel elle va consigner son quotidien. Elle y raconte son épopée, et notamment sa traversée de la mer de Chine entre Kobe et Shanghai, et y dit avec force son espoir de revoir Clara.
"En écrivant ce roman, j’ai découvert le rapport des Asiatiques au problème racial, raconte son auteur. Ne connaissant pas d’autres races que la leur, ils ne voyaient pas pourquoi les Juifs n’auraient pas le droit de vivre. Ils les ont donc envoyés à Shanghai, à condition qu’ils soient enfermés dans un quartier au cœur de la concession française. La Chine a joué un rôle important dans l’histoire juive, il y existe des Juifs depuis le XIe siècle. Et au moment où le judaïsme européen est menacé d’extermination, elle est la seule ville à les inviter sans passeport." Ce ghetto n’est pourtant pas semblable à ceux d’Europe, comme celui de Varsovie, puisque les Juifs peuvent en sortir à leur guise pour autant qu’ils y vivent.
Cette troisième partie du roman, où Ruth retrouve Clara et reprend la couture, met aussi en scène les soubresauts politiques que connaît alors la Chine dont le gouvernement de Tchang Kaï-chek est menacé par les communistes conduits par Mao Zedong.
Marek Halter, « La Juive de Shanghai », XO Éditions, 363 p.