Hugo Boris sur les plages du Débarquement
L’héroïne du roman d’Hugo Boris, " Débarquer ", est une guide dont le mari s’est évaporé et qui s’apprête à recevoir un vétéran du 6 juin 44.
- Publié le 21-11-2022 à 06h00
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Les 40 premières pages sont spectaculaires. À travers l’attirance ambiguë d’un soldat américain, Andrew, pour le barreur de la barge mise à l’eau en cette aube du 6 juin 1944, Hugo Boris décrit avec une précision poignante l’angoisse qui étreint ces jeunes hommes débarquant sur les plages normandes. Et dont beaucoup seront fauchés par les mitraillettes allemandes à peine entrés dans l’océan.
Quelque 70 ans plus tard, Magali, guide sur ces plages, est chargée d’accueillir un vétéran américain, comme il en arrive régulièrement dans la région. Le nonagénaire est seul, pas très fringant, et a une idée précise d’où il veut se rendre. C’est sans enthousiasme qu’elle se plie à ses volontés car elle n’a pas la tête à ça: en effet, son mari d’origine indienne, Darius, s’est littéralement évaporé neuf mois plus tôt. Parti courir, avec son seul passeport en poche, il n’a plus donné signe de vie. Les fouilles n’ont rien donné, on n’a jamais retrouvé son corps. Fait-il partie de ces centaines de personnes qui disparaissent volontairement chaque année ? La jeune femme ne peut l’accepter. Elle ne veut pas croire qu’il l’a abandonnée avec ses deux enfants, l’un encore bébé et l’autre qui va à la maternelle où il se montre dissipé. "Elle refuse d’admettre que sa vie d’avant est terminée, commente le romancier. D’une certaine manière, c’est pire qu’un deuil puisqu’elle ne sait pas si son mari va revenir. C’est pourquoi il est très difficile pour elle de passer à autre chose."
Une situation qui nous échappe
L’idée de ce roman, Hugo Boris la tient de son oncle normand qui lui a parlé d’une agence proposant aux vétérans de revenir en Normandie afin de reparcourir pas à pas leur itinéraire, de la plage au bocage. Où ils se repèrent d’ailleurs souvent mieux que leur guide tant s’est ancré en eux. Et c’est là qu’un déclic va se produire en Magali. "Il y a un lien de parenté entre leurs deux drames. Ils sont l’un et l’autre confrontés à une disparition", précise l’auteur.
Débarquer est un roman très intime. Il donne à lire avec beaucoup de force la vie intérieure de son héroïne, sa difficulté de vivre une situation qui lui échappe. "J’essaie de donner l’impression au lecteur que les personnages que j’ai inventés existent réellement, en chair et en os, parce qu’il a pénétré l’intimité de ses pensées, explique Hugo Boris. À travers ses personnages, le roman permet au lecteur de mettre des mots sur des émotions qu’il ressent, sans toujours parvenir à les nommer. Cela aide à vivre, apporte du sens au chaos de nos existences."
Hugo Boris, « Débarquer », Grasset, 193 p.