Éléonore Devillepoix signe « Brussailes », une fable sociale de haut vol
Sous la plume d’Éléonore Devillepoix, un trio d’oiseaux nous emmène dans un « Brussailes » d’aventure, d’enquête et de politique.
- Publié le 08-11-2022 à 06h00
- Mis à jour le 08-11-2022 à 09h33
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Celle qui avait fait une entrée remarquée dans la littérature young adult avec le diptyque à succès La Ville sans vent revient avec un projet d’un tout autre genre: une fable contemporaine. "Je ne voulais pas à nouveau écrire un livre de fantasy: j’avais peur de me répéter, explique Éléonore Devillepoix. Pendant un an, je me suis demandé ce que j’allais pouvoir écrire, alors je suis retournée à mes fondamentaux. Avant d’être absorbée par les sagas fantasy, ce qui m’a vraiment donné envie de lire, c’était toutes les histoires d’animaux. À la bibliothèque, je les dévorais toutes."
Inconditionnelle du Watership Down de Richard George Adam, chef-d’œuvre britannique des années 70, Éléonore Devillepoix a décidé elle aussi d’utiliser des animaux "banals", pour leur faire vivre de grandes aventures. Pas de lapins dans son Brussailes, mais des volatiles : un pigeon, une corneille et un rouge-gorge. Un étrange trio que le Parlement des oiseaux a sommé de collaborer pour enquêter sur une affaire de vol d’œufs. Suspects tout désignés: les perruches, cette espèce bruyante et exotique qui afflue dans la ville depuis quelque temps.
Pied d’égalité
Bien sûr, de nombreux sujets de société planent au fil des pages, de l’intégration à la loi du plus fort. Bien sûr, il est question de politique. D’ailleurs, quand elle n’écrit pas de romans (et ne s’entraîne pas pour un championnat de Quidditch), Éléonore Devillepoix est attachée parlementaire au Parlement européen. Mais Brussailes se veut avant tout une histoire d’animaux. Et tant mieux si elle permet au lecteur de prendre de la hauteur. "Je me suis intéressée à la manière dont les humains ont géré l’arrivée des perruches et ont directement vu une espèce invasive, avant même de s’interroger sur les effets sur les écosystèmes. Il y a un parallèle évident avec les questions d’immigration notamment, mais je ne souhaitais pas limiter mon histoire à ce parallèle, explique l’autrice. Le sujet central, c’est les oiseaux. Et s’il y a de l’anthropomorphisme, c’est davantage pour donner aux oiseaux l’envergure narrative qu’ils méritent que pour en faire des parodies d’humains. Pour amener les lecteurs à s’intéresser à la vision du monde des animaux, sans hiérarchiser humains et animaux."
Ville de cœur
Le roman est aussi un hymne taquin à notre capitale dans laquelle l’autrice française s’est installée il y a près de 6 ans. Référence à l’éternel débat "frituristique" entre Flagey et Jourdan et autres clins d’œil se succèdent. "J’avais envie de faire découvrir la Belgique et Bruxelles en particulier. En dehors du fait que j’y vis, cette ville est tellement un carrefour des nationalités qu’elle convenait très bien à cette histoire cosmopolite." Éléonore Devillepoix s’est même lancé un défi de taille: utiliser le titre de son livre (à consonance aviaire) pour que ses compatriotes cessent d’accentuer le "x" de Bruxelles. En attendant la reconnaissance de la nation, saluons cette œuvre singulière qui a tout d’un futur classique.
Éléonore Devillepoix, "Brussailes", Hachette Roman, 288 p., 12 ans.