Marie Desplechin avant l’âge bête
Marie Desplechin aime s’aventurer dans les méandres de la préadolescence, cet âge de tous les possibles où l’amitié joue encore un rôle prédominant.
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- Publié le 25-10-2022 à 06h00
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En cours d’année scolaire déménage avec sa maman et le voilà parachuté dans un nouveau collège où personne ne se préoccupe de lui. Pas étonnant: à cette période de l’année, chacun a plus ou moins trouvé sa place et s’incruster dans un groupe, ce n’est pas du genre de Jérémie. Après Babyface et Le ciel de Samir, Marie Desplechin s’aventure une nouvelle fois dans cette préadolescence qu’elle apprécie tant. "C’est un âge dont je me sens proche sans vraiment savoir pourquoi, explique-t-elle. C’est un âge bascule où ils ne sont pas encore blasés ; il y a encore une forme de fraîcheur dans leur regard. C’est aussi l’âge des premières fois… Sensuellement, émotionnellement, c’est un âge merveilleux."
Au fil des pages, on découvre pourquoi Jérémie et sa maman ont déménagé et pourquoi, il ne peut pas fouiller dans les souvenirs que sa mère garde cachés sous son lit. On devine le père, la perte, la solitude et la douleur qu’elle laisse. "Dans mon esprit, Jérémie c’est un super-malin, poursuit l’auteure . Au début, les héros sont en difficulté mais ce qui est intéressant c’est de voir ce qu’ils mettent en place pour en sortir."
Et c’est l’amitié, parfois tissée de façon contrariée, qui va les aider à faire face. "Chacun pense que sa vie est foireuse mais, en se rapprochant des autres, ils se rendent compte qu’ils ne sont pas les seuls: chacun essaie de s’en tirer à sa façon."
Chez Jérémie, c’est l’absence du père mais chez Lily, c’est la maladie de sa mère qui pousse les jeunes ados à recoller les morceaux cassés. "Nous vivons malheureusement dans une société d’isolement dans laquelle les gens sont un peu tout seuls à se battre pour que ça fonctionne. La vie est dure et les enfants se prennent ça de plein fouet: ils pensent qu’ils sont surpuissants et qu’ils vont pouvoir “sauver” leurs parents."
Autre "personnage" du livre et même de cette fausse trilogie "quartier sensible", c’est l’environnement urbain dans lesquels ils vivent. Par son décor de béton, Pour Lily offrent peu de lieux où se retrouver après l’école ou les week-ends. Du coup, c’est dans un vieux cimetière qu’ils trouvent un peu de tranquillité. "Ça vient d’une expérience réelle vécue à Amiens, une ville curieusement bâtie. Mais plus largement, l’aménagement du territoire est un sujet qui me passionne: comment on apprivoise les lieux où on vit, où on se rencontre, où on peut se cacher… Le cimetière est un lieu peu connu, c’est tranquille ; souvent il y a un peu d’herbe, c’est fleuri… Et puis, il y a un côté mystérieux, silencieux, interdit. C’est très attrayant pour les gamins, un peu comme un parc d’attractions."
Dans l’histoire de Lily et Jérémie, il y a tout ça: un cimetière, de l’amitié, de la solidarité et beaucoup de tolérance.
« Pour Lily », L’école des loisirs, 9 ans.