Une amitié aussi intrigante que salvatrice
Dans son nouveau roman, « Nous irons mieux demain », Tatiana de Rosnay raconte comment une rencontre inopinée va modifier la vie de son héroïne.
- Publié le 22-10-2022 à 06h00
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Une femme d’une cinquantaine d’années se fait renverser par une voiture. Une passante lui parle en attendant les secours. C’est la première scène de Nous irons mieux demain. Ingénieure du son pour un studio d’enregistrement de livres audio Candice, 28 ans, est séparée de son mari et élève un garçon de trois ans. Elle se lie à la dame accidentée, Dominique, amputée d’une jambe, qui l’envoie chercher quelques affaires dans son appartement. Où elle découvre des lettres d’amour passionnées.
"En mars 2020, se souvient Tatiana de Rosnay, je devais faire une tournée pour mon livre, Les fleurs de l’ombre. Et puis, avec le confinement, tout s’est arrêté et je me suis retrouvée enfermée chez moi sans avoir anticipé de me remettre dans un roman. C’est alors que j’ai eu l’idée de ce point de départ, persuadée que j’écrivais un polar. Mais je me suis vite aperçue que j’y mettais des éléments plus psychologiques et que ce n’est pas tant la question de l’emprise qui m’intéressait que les zones d’ombre. Et comment cet accident va bousculer la vie de Candice à tel point qu’elle ne sera plus la même."
Émile Zola en invité
Si, effectivement, Dominique peut paraître envahissante, c’est d’abord parce que Candice l’accepte. Elle semble heureuse d’avoir rencontré une amie à un moment où d’autres préoccupations la minent. En effet, en entrant dans le second téléphone portable de son père mort quelques mois plutôt du covid, elle est tombée sur un étrange échange entre un homme et une femme qu’elle ne connaît pas, à propos d’une maison tout autant inconnue. Elle décide d’aller sur place avec sa sœur aînée, Clémence, qu’elle trouve superbe alors qu’elle se voit grosse: Candice souffre d’un trouble du comportement alimentaire, la boulimie-anorexie. "Elle est enfermée dans une haine vis-à-vis d’elle-même, elle ne se voit pas normalement", explique la romancière qui en a elle-même souffert.
Et puis, subrepticement, apparaît un personnage "clandestin": Émile Zola. L’appartement qu’occupe Dominique est en effet celui où a vécu sa maîtresse, Jeanne Rozerot. "Je n’avais pas du tout prévu de parler de lui, s’étonne encore aujourd’hui Tatiana de Rosnay, pour qui la lecture de L’Assommoir à 13 ans a constitué un véritable choc. J’étais bien avancée dans le roman lorsque je me suis rendu compte que quelqu’un essayait de pénétrer dans ma bulle d’écriture. Je voyais un monsieur barbu avec des bésicles et je l’ai tout de suite reconnu. Je me suis demandé ce qu’il venait faire là. Il m’a tendu une lettre et j’ai compris qu’il allait entrer par la mémoire des murs." Mais, davantage que via le cycle des Rougon-Macquart, c’est par ses lettres d’amour échangées avec Jeanne qu’il est présent. Le fac-similé de l’une d’elles, celle découverte par Dominique, figure d’ailleurs dans ce roman qui permet à l’autrice d’ Elle s’appelait Sarah de créer une nouvelle galerie de personnages féminins attachants.
Tatiana de Rosnay, « Nous irons mieux demain », Robert Laffont, 351 p.