Florence Hirigoyen raconte l'inceste dans "La maison de poupée"
Dans « La maison de poupée », un album de photos mettant en scène des figurines, Florence Hirigoyen raconte son enfance fracassée par un inceste.
Publié le 02-05-2022 à 06h00
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Ce livre est unique et exceptionnel. Unique car son autrice, orthophoniste pour enfants, raconte un traumatisme infantile sous la forme d’un roman-photo dont les personnages sont des poupées. Et exceptionnel parce que le résultat, alternant le noir et blanc pour l’enfance et la couleur pour l’âge adulte, est d’une créativité et d’une puissance émotionnelle rares.
La maison de poupée s’ouvre sur le père de Florence qui, hospitalisé, demande à sa femme et à ses trois filles où elles déposeront ses cendres. Elle est la seule à refuser de répondre. On apprend vite pourquoi: à 4 ans, elle a subi un viol de la part de cet homme froid et cassant. Qui, sur les photos volontairement floues, a l’aspect d’un squelette. Elle devient une fillette " docile ", " passive ", qui guette le danger partout et se réfugie dans les livres, et dont la mère est si " fière ". Une mère qui, des années après, lorsque sa fille lui répète que ce n’est pas " sage " qu’elle était, mais " fracassée ", ne veut rien entendre.
Comme beaucoup d’enfants agressés sexuellement, elle se tait, enfouit son secret au fond d’elle-même. Même si, par le dessin, elle tente d’en parler à sa mère qui lui ordonne de se taire ou " ton père se tuera ". Cet inceste hante ses cauchemars où sa mère est complice, qu’elle raconte à sa psy qui ne trouve qu’à lui conseiller de retrouver le sommeil. Elle grandit dans la " peur des hommes " et lorsqu’elle a elle-même une fille, elle refuse que son grand-père l’approche, coupant tout lien avec sa famille pendant dix ans.
Et puis, un jour de 2019, Florence Hirigoyen découvre dans une brocante une figurine ressemblant à son père. Elle va en acheter d’autres et reconstruire les décors de son enfance qu’elle prend en photo. Très subtilement, elle se met en scène à différents âges de sa vie, la petite et l’adulte étant même amenées à se rencontrer lorsque la première demande à la seconde de ne pas renoncer à son projet. Par ce biais, elle prend ainsi la défense de son " moi-enfant ", cessant de se juger " responsable, coupable, méprisable ". Pour, enfin, tenter de parvenir à se réparer.
Florence Hirigoyen, «Maison de poupée», Les Arènes, 216 p.
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