Celui qui n’a pas été Harry Potter
En suivant le garçon non retenu pour interpréter le rôle du sorcier, David Foenkinos signe avec "Numéro deux" un roman subtilement complexe.
- Publié le 11-01-2022 à 11h46
"L'autre garçon était génial, vulnérable et ressemblait beaucoup à Harry. Cependant, nous savions qu'Harry allait devenir un jeune adolescent qui s'affirme et qui a du caractère. Daniel avait ces deux côtés (.)" On peut supposer que c'est en lisant cette interview d'une directrice de casting de Harry Potter à l'école des sorciers, premier volet d'une saga qui devait en compter sept, que David Foenkinos a eu l'idée de son livre: donner vie à cet "autre" en imaginant l'enfer que fut pour lui la sortie des films mettant en scène le célèbre sorcier créé par J.K. Rowling.
Martin est condamné à porter le poids de ce qu’il considère comme un échec infamant
Le héros de Numéro deux s'appelle Martin. En 1999, il a dix ans et habite Londres avec son père séparé de sa mère, une journaliste française retournée vivre à Paris où l'enfant se rend le week-end. Deux concours de circonstances vont dessiner son destin: l'obligation de porter des lunettes, qu'il prend rondes car ce sont les seules disponibles, et suivre son père accessoiriste ciné sur un tournage où il est repéré par David Heyman, le jeune producteur du film en préparation. Il va passer les castings, convaincre et, finalement, se retrouver "finaliste" face à Daniel Radcliffe, un garçon de son âge apparu dans un téléfilm, mais que ses parents, dans un premier temps, avaient refusé de présenter aux essais par peur d'une trop grande déscolarisation.
Évidemment, il rate le rôle et tout au long des années suivantes, même parti vivre en France, il est condamné à porter le poids de ce qu'il considère comme un échec infamant ravivé à chaque sortie d'un nouvel Harry Potter. Comment parvenir à s'en délester pour enfin vivre normalement? Le jeune homme va successivement emprunter toutes les voies possibles, en vain. Jusqu'à la formidable trouvaille finale, aussi belle que juste.
Se libérant des tics humoristiques dans lesquels il tend à s'enfermer, sans pour autant perdre totalement son sens malicieux du comique, l'auteur du Mystère Henri Pick rend compte très intelligemment de la complexité psychologique du piège dans lequel son malheureux héros s'est retrouvé enfermé malgré lui.
David Foenkinos, «Numéro deux», Gallimard, 235 p.