La bêtise, c’est con-tagieux
Plus de 250 000 exemplaires vendus, déjà, et troisième tome pour "Faut pas prendre les cons pour des gens", le best-seller à l’humour corrosif d’Emmanuel Reuzé.
Publié le 18-11-2021 à 08h00
Doit-on moderniser la corrida? Faut-il adopter des SDF? Sachant que l'éducation est un sujet clivant, et le parent par essence mécontent, est-il péremptoire d'estimer qu'1 et 1 font 2? Autant de questions, qui trouvent des réponses absurdes dans le 3e volet de Faut pas prendre les cons pour des gens, le nouveau best-seller humoristique de Fluide Glacial (déjà plus de 250 000 exemplaires vendus).
Si le titre, génial, est évidemment provocateur, Emmanuel Reuzé, l'homme qui se cache derrière celui-ci, tient toutefois à mettre les choses au point: oui, les cons sont bien des gens, " et nous sommes tous cons, par moments… même si ça arrive plus souvent à certains qu'à d'autres ".
Je m’intéresse aux oppresseurs, et à la façon dont la société crée des comportements sociaux ignobles
S'inspirant, dans l'esprit comme dans la forme, du travail des maîtres italiens du grotesque que furent, au cinéma, Dino Risi et Ettore Scola, Emmanuel Reuzé ne se moque finalement pas tant des gens que de la société dans laquelle ils s'inscrivent. "Même si, argumente l'auteur français, je ne sais pas très bien si c'est la société qui fait l'individu ou l'inverse. Disons que, de façon générale, je m'intéresse à la façon dont elle crée des comportements sociaux que nous reproduisons de manière automatique alors qu'ils sont injustes, voire ignobles – c'est peut-être ça, d'ailleurs, la bonne définition du con. Ainsi, on passe régulièrement, dans la rue ou ailleurs, devant des sans-abri et on n'y prête même plus attention, alors que ce sont quand même de gens en train de mourir de faim et de froid."
Place à… l’air shopping
Des sujets, tantôt sérieux, tantôt beaucoup moins, dont il vaut mieux rire que pleurer, ce que fait à merveille Emmanuel Reuzé, aidé au scénario par Bernstein et Haudiquet, après avoir travaillé avec Rouhaud sur les deux premiers albums. Ces trois-là ont par exemple imaginé l'"air shopping", un dérivé consumériste de l'air guitar qui permet à ses pratiquants de lutter contre leur addiction à la (sur)consommation. Fallait y penser. "Trouver les idées, ce n'est pas le plus difficile, estime Reuzé. La chute, c'est autre chose: parfois, j'en imagine 20 ou 30 avant de tomber sur la bonne. Certains gags, je les ai trimballés six mois avant de trouver. Et pour d'autres, je cherche encore…"
L'inspiration, ils la trouvent forcément dans l'actualité, laquelle ne manque pas de matière première: la connerie y pullule… et dépasse même régulièrement la fiction: " Parfois, on est dépassés par l'absurdité des choses: dernièrement, j'ai lu que pour lutter contre les tueries de masse dans les lycées, des Américains ont proposé de ne plus y construire que des… couloirs courts, afin qu'on ne puisse plus y tirer en enfilade. Ça, même moi, je ne suis pas sûr que j'aurais pu l'imaginer…"
Reuzé/Bernstein/Haudiquet, Fluide Glacial, 56 p., 12.90€.