Goldorak: l’ultime métamorphose
Goldorak s’offre un dernier tour de piste dans un album magnifique, conçu par Denis Bajram et son équipe. Les enfants des années 70 et 80 vont adorer.
- Publié le 18-10-2021 à 06h00
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Lorsque Goldorak apparaît, le 3 juillet 1978, au menu de Récré A2, rien ne semble le prédestiner au destin fulgurant qui sera le sien. D'ailleurs, si Jacqueline Joubert, la programmatrice de la chaîne – Antenne 2, l'ancêtre de France 2 –, a accepté de diffuser ce dessin animé japonais dans le cadre de son émission pour la jeunesse, c'est du bout des doigts et avec la conviction, voire l'ambition, que la série de Toei Animation ne survivra pas à l'été et à ses audiences conjoncturellement à la baisse, vacances obligent.
Oui, mais voilà: l'été 1978 sera… l'un des plus pourris vécus par l'Hexagone. Si bien que pour beaucoup d'enfants de l'époque, la télévision constituera un parfait substitut à leurs jeux d'extérieur. Le carton d'audience est immédiat, ouvrant la voie à dix ans de présence ininterrompue du super-robot sur les antennes françaises, puisque TF1 en récupérera les droits en 1987, au lancement de son Club Dorothée.
Parmi les petits spectateurs hypnotisés par cette apparition japonaise estivale figure un certain Denis Bajram. Le petit Parisien, 8 ans, n'est pas encore le dessinateur à succès d'Universal War One, la saga de SF qui fera sa réputation à partir de 1998. Juste un môme qui découvre un monde nouveau: «Je n'ai pas vu la première diffusion, corrige-t-il, parce qu'on… n'avait pas le droit de regarder la télé. Mais j'ai vu la deuxième en cachette, le dimanche, chez un copain qui l'enregistrait sur VHS. Le goût de l'interdit n'est sans doute pas pour rien dans l'amour que j'ai pour Goldorak (il sourit).»
Près de 45 ans plus tard, le gaillard a grandi, un peu forci, mais demeure amoureux. Il a même conclu: voilà cinq ans, en effet, qu'il planche, avec quatre de ses petits copains de travail – Xavier Dorison, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yoann Guillo –, sur une adaptation des aventures de Goldorak en bande dessinée. Elle est dans les bacs depuis vendredi, et Denis Bajram n'en revient toujours pas: «Ce projet, on le doit à Xavier, reconnaît-il. C'est lui qui en a parlé à son éditrice, lors d'un repas à Angoulême, puis qui me l'a proposé. Faire ça en équipe m'a permis de m'affranchir de mes craintes: seul, je n'aurais jamais osé, je ne m'en serais pas senti capable. Goldorak, c'est un mythe: il y a des gens qui lui ont presque consacré leur vie. Alors qu'on n'était qu'au tiers du projet, j'ai même cru qu'on faisait fausse route, qu'on était totalement hors sujet. Mais, à l'arrivée, je crois qu'il n'y avait pas… meilleur public que nous pour ce livre. En fait, nous sommes le public cible. Et si on s'est amusé à le faire, on se dit que les autres nostalgiques de la série devraient nous suivre, quelles que soient nos bêtises.»
En l'occurrence, ces «bêtises», tout de même tirées à plus de 160 000 exemplaires, s'inscrivent dans la droite ligne des 74 épisodes du célèbre dessin animé. Ils en sont même… la suite: «Comme beaucoup d'enfants de l'époque, nous avions très mal vécu le dernier épisode de Goldorak, dans lequel Actarus abandonne ses amis pour retourner sur sa planète d'origine, avoue Denis Bajram. À la réflexion, il était très beau, cet épisode, mais ça ne nous allait pas. Notre première idée a donc été d'offrir de vraies retrouvailles, et une vraie conclusion, aux personnages forts de la saga.»
Dans un très bel album, qui marie à merveille des influences venues du manga, de la BD franco-belge et du… comics, Actarus revient donc d'un lointain exil quand les derniers représentants de Véga attaquent la Terre avec, en guise d'arme fatale, le plus puissant de leurs golgoths. Il y retrouve ses amis Alcor, Vénusia, Phénicia, Banta, Rigel et, bien sûr, le Professeur Procyon, lesquels l'aideront à dépoussiérer Goldorak pour une dernière métamorphose et un ultime tour de piste. «Le plus difficile, sourit Bajram, aura été de dresser la "wish list": en vrais fans, on avait envie de tout mettre dans cet album. Tous les personnages, toutes les armes, tous les lieux. Mais il aurait fallu un bouquin de 800 pages, alors (il rit)!»