Pablo Martin Sanchez exhume une très vieille histoire de famille
Pablo Martin Sanchez remonte la piste de son aïeul mort en 1924. Il est aussi le traducteur espagnol du dernier prix Goncourt, «L’anomalie».
- Publié le 15-10-2021 à 06h00
L'anarchiste qui s'appelait comme moi est construit en alternance sur deux époques: d'une part, le récit largement imaginaire de la vie aventureuse de l'autre Pablo Martin Sanchez né en 1890 au Pays basque espagnol; d'autre part, celui, proche de la réalité, de l'année 1924 qui le voit quitter Paris avec un groupe d'anarchistes espagnols et franchir les Pyrénées dans le but totalement illusoire de renverser la dictature de Primo de Rivera. Une expédition qui l'amènera à se suicider après avoir été condamné à mort au terme d'un procès fantoche. (Voir nos éditions du 27/09.) À l'occasion de son passage en France, nous avons rencontré l'auteur parfaitement francophone de ce foisonnant roman épique qui est aussi un beau livre sur l'amitié et la fraternité et se clôt sur une pirouette qui rappelle que son auteur fait partie de l'Oulipo, un groupe littéraire qui explore les diverses potentialités de l'écriture.
Pourquoi aviez-vous envie de passer tant de temps à reconstituer la vie de votre ancêtre?
Je voulais écrire les événements de 1924 de son point de vue. Mais, pendant mes recherches, je suis tombé sur un roman qui les raconte, son auteur possédait une maison à Vera de Bidasoa donnant sur le chemin par lequel sont arrivés les anarchistes. Cela m’a poussé à écrire une biographie du personnage pour que mon livre soit plus vaste. Je voulais un roman d’aventures, historique, où il se passe plein de choses, qui accompagne le lecteur pendant un bon moment.
Cette affaire a fait du bruit à l’époque.
Oui, tous les journaux, même s’ils étaient soumis à la censure, en ont parlé. Mais la Guerre civile de 1936 a phagocyté tout ce qui l’a précédée, et on a petit à petit oublié la dictature de Primo de Rivera, et donc cet événement survenu à son tout début.
Les condamnés à mort n’ont jamais été réhabilités?
Non, même s’il y a bien eu quelques tentatives pendant la République, en 1936 et 39, et que les anarchistes emprisonnés ont été amnistiés.
Pourquoi, dès le début du XXe siècle, Paris est-il le refuge des anarchistes espagnols?
La France est un pays limitrophe et Paris est alors la capitale de la culture. Les intellectuels espagnols parlent tous français. Mais c’est aussi une ville des hommes d’action. Dans un même café, comme la Coupole, peuvent ainsi se trouver côte à côte des écrivains et des anarchistes.
Comment en êtes-vous venu à traduire «L’anomalie»?
Son auteur, Hervé Le Tellier, est président de l’Oulipo dont faisait partie Georges Perec. Or ma mère, professeure de français, travaillait avec l’une des traductrices de «La Disparition», son roman écrit sans la lettre «e». J’en entendais parler à la maison. J’ai décidé d’aller à Paris apprendre le français pour lire cet écrivain dans sa langue. C’est comme cela que j’ai été amené à traduire les livres d’Hervé Le Tellier en espagnol, et évidemment «L’anomalie» qui en est à sa septième édition.
Pablo Martin Sanchez, «L’anarchiste qui s’appelait comme moi», Zulma & La Contre Allée, 605 p.