Nicolas Beuglet, la vérité qui fait peur
Dans «Le passager sans visage», on fera mieux connaissance avec l’inspectrice Grace Campbell dans une histoire où il est question d’un scandale de pédophilie.
- Publié le 24-09-2021 à 06h27
Après Le dernier message, Nicolas Beuglet revient avec un nouveau thriller haletant qui met en scène son inspectrice Grace Campbell. Et cette fois, elle est l'héroïne de sa propre enquête.
Comme à son habitude, le romancier s’est inspiré de faits réels pour nourrir son intrigue. Il est question de l’affaire Kentler, un scandale de pédophilie à grande échelle révélé en juin 2020 en Allemagne (voir encadré).
Dans le tome précédent, il y a beaucoup de mystère autour de ce que cache la porte secrète dans l’appartement de Grace. Mais là, vous l’ouvrez très vite, pourquoi?
Il y avait plein de choses à raconter derrière cette porte. Je voulais que le lecteur sache que j’allais répondre à ses questions. Je ne voulais pas délayer le suspense dans des pages et des pages. Je déteste les faux suspenses qui disent «bientôt vous saurez» et il faut attendre la saison 3 pour savoir.
Dans ce tome, qui peut se lire indépendamment du précédent l’inspectrice Grace Campbell est dans toutes les pages…
C’était l’objectif de raconter son histoire, elle est au centre. Sauf que son histoire, son drame personnel est lié à un scandale bien réel. Le projet Kentler est passé complètement sous les radars. Des milliers d’enfants ont été placés dans des familles de pédophiles en Allemagne. C’est tellement énorme que je pensais que ce n’était pas vrai. Mais il y a des rapports très documentés sur le sujet. Et ce n’est pas que le fait d’avoir confié des enfants à des pédophiles, mais le fait que cette organisation ait été promue et gérée par l’administration berlinoise, avec une caution politique, pour «le bien des enfants».
Attention, les réseaux pédophiles, c’est un sujet particulièrement sensible en Belgique…
Mais là, les auteurs ne se sont pas cachés. L’université dans laquelle travaillait ce professeur savait très bien de quel genre d’individu il s’agissait. Les preuves ne sont pas compliquées à trouver. Il existe encore des milliers de dossiers qui n’ont pas été traités. Et le plus incroyable, c’est que l’enquête n’a pas été tellement poussée.
Vous saviez tout ça avant de commencer l’écriture?
Je ne peux pas commencer l’écriture sans savoir où je vais, sans savoir la fin, sans avoir recoupé les infos. Quand j’ai pris connaissance des faits, je ne voulais pas écrire là-dessus parce que je savais que je serais révulsé de passer un an avec ce sujet. Et puis quand je me suis rendu compte que vraiment personne n’avait entendu parler de cette affaire, je me suis dit que c’est le genre d’histoire dont il faut parler. On a intellectualisé l’horreur pour la justifier, la rendre plus acceptable dans une schéma scientifique, intellectuel, universitaire. Et ça doit être questionné.
Ca ressemble à un mécanisme sectaire, non?
C’est un scandale à très grande échelle, où il n’y a pas eu de dénonciations, de repenti en 30 ans pour faire tomber le système. C’est pas un truc qui a duré un an ou deux en cachette. Ça a de sectaire le fait de reformater les esprits, de se soumettre à l’autorité sans se poser de questions. C’est la fameuse expérience de Milgram.
La dernière phrase du roman, on n’en dira pas plus, mais elle ouvre une grande porte sur la suite…
J’ai forcément pensé à la suite, sinon, je serais un escroc.
Et vous n’êtes pas un escroc…
Vous en jugerez si vous lisez le 3e tome. Cette dernière phrase n’est pas juste un clin d’œil. C’est une grande boucle avec les trois tomes. Et même les trois tomes de la première série. Le 3e tome c’est le plus compliqué à écrire parce qu’on est moins libre. On est dépendant de tout ce qu’on a installé. Et puis on ne sait pas à qui on s’adresse: il ne faut pas perdre les lecteurs qui découvrent et ne pas alourdir la narration pour ceux qui ont tout lu.
Nicolas Beuglet, «Le passager sans visage», XO Editions, 367p.