INTERVIEW | Alexis Michalik en quête d’aventures
Dans «Loin», son ample premier roman, l’auteur d'«Edmond» entraîne ses trois héros à travers la planète sur la piste de leurs origines.
Publié le 31-08-2019 à 06h00
:fill(000000)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/F43JULD4O5AP7JA5H7CA2KMW4M.jpg)
Antoine, Breton de 26 ans, a reçu de la poste une carte postale vieille de dix-sept ans et signée par son père, Charles. Elle a été envoyée d’une petite localité proche de Vienne. Avec Anna, sa petite sœur, délurée, voire déjantée, se fichant pas mal des convenances, et Laurent, son meilleur ami d’origine camerounaise, il prend la direction de l’Autriche à la recherche de cet homme qui a, à l’époque, déserté le foyer familial sans explications. Parti dans une relative insouciance, ce trio va, pendant six mois (et 650 pages!), voyager autour de la planète, replongeant, au gré de ses rencontres et découvertes, dans l’histoire tragique du XXe siècle.
Après quatre pièces de théâtre et un film, écrire un roman vous titillait?
Non, je ne voulais pas forcément écrire un roman. Je suis d’abord pris par une histoire qui se développe en moi et, à la base, j’avais imaginé celle-ci, il y a une dizaine d’années pour une série télé sur le voyage. Mais vu son ampleur, je me suis dit qu’il serait plus simple d’en faire un roman, ce qui s’est révélé être, pour moi, un exercice plus ardu qu’écrire une pièce de théâtre ou un scénario.
Le point de départ de «Loin», c’était la quête des personnages?
Plutôt une réflexion sur le voyage. L’aventure a disparu de nos vies. Comment, aujourd’hui, pourrait-elle nous tomber dessus sans que l’on s’y attende? Au départ, mes personnages ne savent pas que leur voyage en sera une. C’est pourquoi je commence lentement et je les emmène de plus en plus loin. À travers cette quête, je raconte un voyage géographique, historique et initiatique, vers soi.
Pourquoi consacrez-vous une large place à la Turquie et à l’Arménie sur fond des deux guerres mondiales?
L’histoire me passionne et je voulais m’intéresser à des pays, des cultures moins connus. Et ainsi avoir des points de vue différents sur des périodes historiques que l’on a tous apprises. J’ai construit ce parcours plein de surprises afin que, dans une histoire aussi longue, le lecteur ne sache jamais où il va aller au chapitre d’après, qu’il ait ainsi envie de continuer. Et la dimension historique me permet d’élargir le récit. Plus ils voyagent, plus les personnages apprennent des choses. Découvrant un point de vue extérieur et étranger, ils sortent progressivement de leur unicité de pensée. Tout en s’interrogeant sur le bien et le mal: comment d’un pays et d’une époque à l’autre, le point de vue sur la morale fluctue. Et plus on va vers l’étranger, plus augmente notre compréhension de l’autre et de nous-mêmes.
Laurent s’adresse au lecteur dans un prologue et, avec humour, à plusieurs reprises au cours du roman. Pourquoi ce choix?
Cela me semblait assez naturel. Dans la plupart de mes pièces, je commence par une adresse au public. Dans le prologue, Laurent évoque plusieurs questionnements auxquels le roman va apporter non des réponses claires, nettes et précises, mais des pistes qui permettent au lecteur d’être actif et de trouver sa propre réponse. J’aimerais que le livre lui ouvre des portes et, quand il le referme, il s’interroge sur son rapport au voyage, à l’identité, à ses origines, etc.
Alexis Michalik, «Loin», Albin Michel, 645 p.