Le «Merde au Brexit» de Jonathan Coe
Comme il l’avoue à la fin de son roman, Jonathan Coe n’avait jamais caressé le projet de ressusciter les personnages de Bienvenue au club et du Cercle fermé, sortis en français en 2002 et 2006.
- Publié le 24-08-2019 à 06h00
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Si Birmingham et la famille Trotter sont au centre de son nouveau roman, Le cœur de l’Angleterre c’est surtout parce qu’ils permettent à Jonathan Coe de se pencher sur l’histoire très récente de son pays. Et à le lire, on se dit une nouvelle fois qu’un romancier (très) doué est sans conteste le meilleur des analystes politiques!
Des émeutes de 2011 au Brexit
L’histoire débute en 2010 pour se terminer en 2018, deux ans après le référendum sur le Brexit. On y retrouve, entre Birmingham et Londres, la famille Trotter et ses amis. Benjamin, le Candide de service, a désormais 50 ans et essaie d’écrire l’œuvre de sa vie. Doug est un éditorialiste de renom. Loïs, la sœur de Benjamin est toujours aussi mal dans sa peau tandis que Sophie, sa fille, est une brillante universitaire.
À travers ces personnages, Jonathan Coe fait vivre à ses lecteurs les soubresauts politiques et sociaux d’une décennie qui verra les émeutes de Londres en 2011, les JO de 2012 et la montée du rejet européen porté par des groupes et individus aux intérêts très variables… Le tout pour en arriver à ce jour funeste (pour Coe) de juin 2016 où l’Angleterre a choisi de quitter l’Europe.
«Merde au Brexit» finit par crier le peu politisé Benjamin. Et dans le cri de ce personnage qui lui ressemble sans doute un peu, Jonathan Coe fait passer tout le désarroi d'une nation. Mieux (ou pire) en analysant finement comment l'austérité, le nationalisme, la peur du futur a transformé la société anglaise, c'est aussi le procès politique d'une époque que fait l'auteur.
Humour anglais et mélancolie
Sans aucun doute c'est «le» roman du Brexit qu'a écrit Jonathan Coe. Et comme toujours, avec cet humour typiquement anglais mêlé d'une certaine mélancolie. Un roman qu'on ne quitte plus une fois entamé, emporté par l'histoire de ces personnages qui nous ressemblent aussi un peu. Ajoutons qu'il n'est pas nécessaire d'avoir lu Bienvenue au club et Le cercle fermé pour comprendre ce troisième opus de la série. Même s'il y a un risque sérieux qu'après l'avoir lu, vous vous précipitiez dans une librairie pour les acheter…
Jonathan Coe, «Le cœur de l’Angleterre», Gallimard, 549 p.