L’impossible deuil de José Frèches
L’auteur de «Gengis Khan» ou de «L’Empire des larmes»avait un jumeau homozygote mort en 2001. Il lui redonne vie dans «Nous étions deux».
- Publié le 06-06-2019 à 06h00
«Écrire ce livre m'a permis de savoir un peu plus qui j'étais.» Dans ce bref récit, José Frèche rend hommage à son frère jumeau, Jean-Benoît, sorti après lui de ventre de leur mère, le 25 juin 1950, et mort d'un cancer du rein le 29 novembre 2011. «La gémellité est à la fois en grand bonheur et une vraie malédiction», constate-t-il. Car le lien empathique qui unit des «vrais jumeaux» provoque des souffrances communes, l'un ressentant la même chose que l'autre. Et toute séparation est douloureuse.
«Le regard des autres vous renvoie à votre gémellité lorsque vous êtes avec votre pareil», raconte José, qui se souvient de la stupeur des autres enfants le jour de leur entrée à l'école. Eux-mêmes, chéris par leurs parents et sans frère ni sœur, sont tout autant traumatisés. «C'est un peu comme si on nous avait jetés dans la fosse aux lions. Nous étions tous les deux restés en tête à tête et tout d'un coup, nous nous retrouvions face à des «sans pareil».»
Ils vont ensuite prendre des voies divergentes. Tandis que l'un fait des grandes écoles et devient conseiller à la Cour des comptes, l'autre décide d'être artiste, «saltimbanque», et se met à peindre. «C'était sans doute une façon pour moi d'exister sur un terrain différent du sien, qui ne me mettrait pas en situation d'infériorité par rapport à lui», pense-t-il.
Dans son récit, José Frèches évoque leurs enfance et adolescence à Rome, Sao Paolo et Lisbonne où leur père, professeur de lycée puis d'université, est successivement nommé, avant leur installation à Aix-en-Provence. Il parle de sa proximité avec sa mère, dont il était le préféré et le confident après le départ de son frère pour Paris. Puis de son arrêt de la peinture et de son passage de «l'autre côté», devenant un temps conservateur de musée. Avant que la Chine, découverte à 7 ans dans Tintin et le Lotus bleu, devienne sa passion et le sujet de ses romans et essais à succès.
José Frèches, «Nous étions deux», XO Éditions, 211 p., 19€