L’humanité en panne de mémoire
Comment réagirions-nous face à un bug numérique?Enki Bilal propose une réponse dans «Bug», tome 2.
- Publié le 24-04-2019 à 06h00
Dans le deuxiè-me tome de Bug, Enki Bilal continue d'explorer les conséquences de la panne qui prive l'humanité de sa mémoire numérique. Malgré l'humour de la bande dessinée, l'avenir n'est pas des plus réjouissants.
Enki Bilal, notre utilisation des technologies nous entraîne dans le mur?
On est vigilants malgré tout. Les scientifiques lancent des signaux d’alerte sur les jeunes qui commencent à utiliser trop tôt le téléphone portable et à être happés uniquement par des écrans. Ce qui est à la fois excitant et inquiétant c’est que des pans de la société sont en train de se mettre au diapason du transhumanisme, de l’intelligence artificielle. Ce sont des choses qui sortent de l’ancienne science-fiction. C’est George Orwell, quand on voit qu’en Chine aujourd’hui il y a des caméras qui filment les gens pour les noter. Ce qui est sidérant c’est que c’est avec l’accord du peuple. Le danger est là, ça peut basculer du mauvais côté.
On a l’impression qu’on parle de ces dérives depuis la nuit des temps mais que c’est inévitable.
Il y a la raison mais il y a l’excitation du progrès. Puis il y a le profit. Il ne faut pas oublier que malgré tout, toute cette histoire les GAFA qui sont derrière ça, sont d’énormes machines à produire du fric. Elles sont prises dans des logiques financières qui sont terribles.
Vous faites intervenir des néomarxistes. Pourquoi?
Je pars du principe que l’état de sidération est tellement fort qu’on n’a pas les cerveaux capables de penser à faire quelque chose de nouveau. On prend d’anciennes idéologies pour essayer de faire du neuf avec du vieux. Je pense que c’est très humain et dans cette situation, c’est ce qui pourrait arriver.
Il faudrait un bug radical pour qu’on redémarre le système?
On progresse tellement peu et tellement lentement. Les systèmes politiques, tels qu’on les a connus, ils sont à bout de souffle. Des jeunes votent de moins en moins, ils sont de moins en moins intéressés. Je pense que les nouvelles générations, nées avec ça feront sans doute des propositions plus cohérentes parce qu’ils n’auront pas subi le choc de la révolution numérique.
«Bug» – Tome 2: Casterman. 80 pages.