Le totalitarisme en marche
L’intelligence artificielle va-t-elle égaler l’humaine?C’est en creux la question posée par Bernard Minier dans «M, le bord de l’abîme».
- Publié le 18-04-2019 à 06h00
Et si, demain, Deus dominait l’humanité? Deus est le nom d’un ordinateur doté de la parole et d’une intelligence suffisante pour pouvoir discuter presque d’égal à égal avec n’importe quel humain. Dans ce thriller, il en est encore à l’état expérimental chez M, un géant mondial du numérique basé à Hong Kong. Vision futuriste d’un romancier très imaginatif? Hélas non: cette technologie est en cours de développement. Autrement dit, et même s’il faut s’en alarmer: demain, c’est déjà aujourd’hui.
«Le monde que nous fabriquent les géants de l'internet est inquiétant, explique Bernard Minier. Ils vont de plus en plus loin. Comme, par exemple, connecter directement le cerveau aux ordinateurs sans passer par une interface. On pourra bientôt commander à son smartphone rien que par la pensée. Les premiers résultats sont attendus pour 2025. Google a fondé Calico dont l'ambition avouée est de prolonger la vie humaine de plusieurs centaines d'années. Et un ancien ingénieur de Google a fondé une Église destinée à développer un Dieu basé sur l'intelligence artificielle. Ces recherches sont de plus en plus transgressives et antidémocratiques. Comme dans le totalitarisme, ces entreprises décident du destin des peuples en passant par-dessus la tête des États, des gouvernements, des opinions publiques.»
L'héroïne de M, le bord de l'abîme, suspense aussi haletant qu'effrayant, est Moïra, une jeune informaticienne française engagée par l'entreprise de Monsieur Ming afin d'enrichir Deus en lui donnant davantage d'émotions, de sensibilité. Bref, pour l'humaniser. Mais très vite, elle se sent espionnée en permanence et se rend compte que c'est un monde totalitaire qui est en gestation par le biais de cette machine. Pendant ce temps, deux policiers hongkongais enquêtent sur l'assassinat de plusieurs jeunes filles dont le point commun est d'avoir travaillé pour le même Ming. Leurs chemins vont croiser ceux de Moïra.
Bernard Minier, «M. Le bord de l’abîme», XO Éditions, 565 p.