Le futur dingue de Jean Teulé
Dans son nouveau roman, Jean Teulé revient à la veine futuriste du «Magasin des suicides». Avec Lou, une ado pas comme les autres.
- Publié le 08-04-2019 à 07h59
:focal(507x325:517x315)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/NGZYAGEJ7VHDLKYINZJJTCNIAE.jpg)
Bien des auteurs ont imaginé un monde futuriste avec plus ou moins de noirceur et rarement du bonheur à tous les étages. Dans celui du dernier roman de Jean Teulé, Gare à Lou!, on habite dans des écorche-cieux, on paie en euros-yens et on boit son petit noir au Bar des sanglots tandis qu'un président hypocondriaque vit dans une énorme boule à neige…
Jean Teulé, pas d’inspiration historique cette fois?
J'avais déjà écrit un roman futuriste et complètement imaginaire avec Le magasin des suicides. Là, le héros était un jeune garçon de 12 ans. J'avais envie de faire vivre son pendant féminin. C'est ainsi que Lou est née.
C’est un roman grinçant et moqueur mais aussi pessimiste?
C’est vrai que le pays où se déroule mon histoire n’a plus d’arbres, plus de nature. Ce qui se passe actuellement est très inquiétant. J’ai écrit ce roman avant les manifestations des jeunes pour le climat. Et je trouve que cette jeunesse qui se lève, qui a de l’humour, défile sans violence, c’est un vrai rayon de soleil. Ils osent râler contre les politiques qui ne font pas leur travail.
Et qui vivent dans des bulles de verre?
J’ai imaginé un palais présidentiel à l’intérieur d’une grande boule à neige. On dit souvent que les gens de pouvoir vivent dans leur bulle, ignorent le sort de la majorité des habitants. La période actuelle n’est pas drôle et je voulais un livre qui le raconte mais fasse rêver en même temps. Beaucoup de gens vivent au bord de la misère. Et en France, en province, beaucoup de femmes n’y arrivent pas. Comme la mère de Lou.
Lou qui est à la fois très enfantine et très inquiétante.
Elle est «à la limite» comme tous les adolescents qui quittent l’enfance pour aborder le monde des adultes.
Comme le curieux poisson de sa mère, une femelle Periophthalmus barbarus?
Ce drôle de poisson existe bel et bien. Il est capable de vivre partiellement à l’air libre. Il est entre deux mondes, comme Lou qui entre dans l’adolescence. L’évolution du poisson se fait parallèlement à celle de Lou. À la fin, elle hésite à exercer son pouvoir. J’avais envie que peu à peu elle s’interroge sur le mal fait aux autres. Et qu’elle veuille aussi utiliser son don pour faire du bien.
Vous êtes féroce avec les hauts gradés de l’armée. Un vieux fond d’antimilitarisme?
Lou est enlevée par des militaires et elle les fait tourner en bourrique! Pour eux, elle est d’abord une arme. L’un d’entre eux ne se rend d’ailleurs jamais compte qu’il s’agit d’une petite fille. L’armée c’est fait pour tuer les gens. La France actuellement évite les guerres mais vend des armes. Ceux qui les achètent, ce n’est pas pour faire du tourisme…
Un roman non historique, c’est plus de liberté?
Le livre est assez bizarre. Je suis parti sans trop savoir où j’allais. C’est une mésaventure dans un train qui m’a donné l’idée. J’avais dû changer de train et le contrôleur après avoir accepté mon ticket est revenu sur ses pas et m’a taxé d’un supplément faramineux! Je lui ai alors dit «Monsieur, je vous souhaite un grand malheur!». Il est parti et je ne l’ai jamais revu… Mais quand je suis descendu du train, j’avais la moitié du livre en tête. En l’écrivant, j’avais décidé de ne rien m’interdire mais, pour une fois, de ne pas être grossier et de ne pas parler de la religion même dans les expressions. Trop de catastrophes viennent des religions! Je voulais un monde où on souffle…