Le fantôme d’Hermione à Martinrou
Instillant une trame romanesque dans son récit autobiographique, Bernard Tirtiaux s’amuse à brouiller les pistes dans «L’ombre portée».
- Publié le 30-03-2019 à 06h00
Les fantômes existent-ils? A priori, Bernard Tirtiaux n’y croit pas. Et pourtant. Il a la sensation que l’imposante ferme familiale de Martinrou, à Fleurus, qu’il a retapée pour en faire son atelier de maître verrier et son habitation, mais aussi un théâtre et un lieu de stages artistiques, est habitée par celui de sa grand-mère, Hermione. Cette femme extrêmement pieuse qu’il n’a pas connue est morte en 1949, renversée par un tram, avec, sur elle, quatre feuillets portant plusieurs noms juifs. Qui étaient-ils? Quel était leur lien avec Caritas Catholica, l’association vouée aux enfants abandonnés où elle était active? Son petit-fils va enquêter.
«Quand j'ai repris Martinrou, confie-t-il, c'était un peu par culpabilité envers mon père d'avoir choisi ce métier, alors qu'il n'y était pas favorable. Et puis est réapparue ma grand-mère, dont mon père parlait comme d'une femme extraordinaire.» Une «réapparition» qui l'interpelle et dont il cherche la raison. Et si cette femme et son histoire étaient le chaînon manquant avec son intérêt pour l'antisémitisme et la Shoah qui traverse ses différents romans, sans que cela soit justifié d'un point de vue biographique ou historique?
Dans son passionnant et intrigant huitième roman, L'ombre portée, Bernard Tirtiaux part donc de données totalement autobiographiques pour emprunter des chemins romanesques qui pourraient être véridiques. Il a bien perdu une jambe à 8 ans, renversé sur la même chaussée et par le même tram que sa grand-mère à tout juste une décennie d'intervalle. C'est bien la lumière qui traversait les vitraux de la chapelle de son collège qui lui a révélé la puissance sacrée, mais non religieuse, de cet art. Et il a bien failli tomber un jour de grand vent où il changeait le vitrail du clocher de l'église de Wépion, événement qui a déclenché sa vocation littéraire. Mais le vieillard qui détient les fameux feuillets, et dont il retrouve la trace, existe-t-il vraiment? C'est au lecteur de trancher. Ou pas.
Bernard Tirtiaux, «L’ombre portée», JC Lattès, 208 p., 18€