Violette Morris, championne oubliée
Grâce à «Femme qui court», Gérard de Cortanze réhabilite une sportive exceptionnelle faussement accusée de collaboration avec la Gestapo.
- Publié le 22-02-2019 à 06h00
Les lancers du poids, du disque et du javelot, la boxe, le football, le vélo, la natation, l’automobile et la moto: ce sont autant de sports où Violette Morris a excellé dans l’entre-deux-guerres, battant souvent des hommes. Et pourtant, cette athlète détentrice de plus de vingt records, «grande gueule» totalement incontrôlable, qui fumait plusieurs paquets de cigarettes par jour, portait un pantalon (interdit à l’époque) et aimait les femmes, est tombée dans l’oubli.
Pire: un livre mal informé en a fait une auxiliaire de la Gestapo, justifiant ainsi son assassinat par des résistants en avril 1944. «Elle avait tout pour devenir le parfait bouc émissaire d'une France collaborationniste. Issu d'une famille de résistants, je n'aurais jamais pu écrire un livre sur une tortionnaire», précise Gérard de Cortanze, qui s'est appuyé sur la très complète biographie de Marie-Jo Bonnet.
Femme qui court suit avec chaleur et empathie la vie de ce personnage hors-norme, depuis ses années de pension au Couvent de l'Assomption, à Huy, où l'a placée son père, jusqu'à sa mort due, probablement à un malentendu. En passant par sa fonction d'ambulancière pendant la Première Guerre mondiale, ses victoires à la première Olympiade féminine en 1921, son exclusion en 1928 de la Fédération de sport féminin, son amitié avec Joséphine Baker et Yvonne de Bray, son installation sur une péniche ou son rôle d'espionne auquel les nazis la contraignent par chantage. Pour affiner certains traits de son caractère, l'auteur a pris la liberté d'imaginer quelques personnages féminins.
«C'est le début de la démocratisation du sport, rappelle-t-il, et les athlètes peuvent passer d'un sport à un autre. Mais elle refuse les matchs de boxe féminins qui se font seins nus. Elle ne veut affronter que des hommes. À cette époque, beaucoup de sports, et même d'équipes, sont mixtes. Le fait qu'elle se fasse couper les seins n'est pas qu'un geste chirurgical, c'est une remise en cause de la société. Son combat est aussi féministe.»
Gérard de Cortanze, «Femme qui court», Albin Michel, 409 p., 24€