Michel Houellebecq: retour mitigé
On l’a déjà évoqué (voir nos éditions du 22 décembre), il est en librairie. «Sérotonine» de Michel Houellebecq est le roman de cette rentrée. Voici ce qu’on en pense.
- Publié le 04-01-2019 à 06h00
1. Avant la sortie «Donald Trump est un des meilleurs présidents américains que j'ai jamais vu.» C'est par cette déclaration publiée dans le mensuel américain Harper's Magazine que Michel Houellebecq a choisi de lancer son nouveau roman, Sérotonine, en librairies le 4 janvier prochain. Soit quatre ans exactement après Soumission, qui montrait la France dirigée par un président islamiste, sorti le lendemain de la tuerie à Charlie Hebdo. On pourrait croire à de l'humour, mais la lecture de ses livres montre que le lauréat du Goncourt 2010 pour La carte et le territoire en est assez largement dépourvu.
2. Un narrateur dépressif Parce qu'il manque de sérotonine, une hormone liée à l'estime de soi, Florent-Claude, le narrateur du roman, prend du Captorix, un antidépresseur nouvelle génération. Tout en décidant de tout quitter – boulot, appartement, compagne – pour s'enfermer dans l'un des rares hôtels parisiens qui possèdent encore une chambre fumeurs. Il ne cesse d'y ressasser son passé, au point de vouloir retisser des liens avec ceux qui l'ont occupé: Claire, une comédienne, Camille, une étudiante vétérinaire, et Aymeric, un éleveur laitier idéaliste.
3. Une provocation puérile Sérotonine voyage ainsi entre deux époques et… deux personnages. L'ingénieur agronome pas encore trentenaire avait quitté la multinationale agroalimentaire Monsanto, à ses yeux «l'exact contraire de ce qu'il fallait faire si on voulait obtenir à un développement acceptable» et condamnait l'élevage intensif de poules, tout en semblant réellement amoureux, et même «heureux». Il est devenu un individu cynique, désabusé, ravi de contribuer «à détruire la planète» à bord de son 4x4 diesel, s'enorgueillissant de son «absence de civisme». Et bien loin du mouvement #MeToo: pour lui, le rôle d'une femme est de satisfaire le désir sexuel d'un homme. Une forme de machisme puérilement provocateur qui vire à l'obsession chez ce romancier.
4. Et finalement? Trop c'est trop! Incapable de compassion, de générosité, de bienveillance, Michel Houellebecq se complaît dans une noirceur à ce point systématique qu'elle finit par susciter le dégoût.
Michel Houellebecq, «Sérotonine», Flammarion, 347 p., 22€