Terrorisme et suicide d’ados: les troublantes prédictions de Stephen King étaient correctes

Le romancier américain est pourtant tout aussi percutant lorsque le récit élude le fantastique et le surnaturel.

Exemple: Jessie et son intrigue exclusivement centrée sur une jeune femme menottée à un lit, son époux foudroyé par une crise cardiaque gisant à ses pieds.

Subtilement connecté à Dolores Claiborne, le roman Jessie a été adapté en film par Netflix en 2017.

+ Voici la bande-annonce du film Jessie (Gerald’s Game en version originale):

Loin de se reposer sur ses lauriers, l’auteur viscéralement attaché à l’état du Maine (USA) se renouvelle et surprend encore malgré sa généreuse bibliographie (59 romans).

La récente trilogie de l’inspecteur retraité Bill Hodges est ainsi un joyau atypique de la longue carrière de l’écrivain.

Du premier au troisième opus, de Mr Mercedes à Fin de ronde, le genre adopté bascule du polar au fantastique.

Le grand écart est audacieux. Si les protagonistes sont identiques, le moteur de l’histoire vire du rationnel à l’irrationnel.

Au milieu du gué, Carnets noirs relègue temporairement au second plan Bill Hodges, son assistante Holly Gibney et l'infâme Brady Hartsfield.

Au-delà de ce saut périlleux, Mr Mercedes et Fin de ronde abritent trois troublantes prédictions. Comme si Stephen King avait plongé dans sa boule de cristal pour nous avertir d'événements imminents.

En ligne de mire: la montée en puissance de l’attentat à la voiture-bélier, l’attentat à la ceinture explosive au cœur d’un concert, les challenges en ligne qui poussent les ados au suicide.

Explications.

1. Mr Mercedes et la voiture-bélier

Dès les premières pages du roman inaugural Mr Mercedes, le dangereux déséquilibré baptisé Brady Harstfield fait un carnage.

Au volant d’une Mercedes volée, le jeune homme fonce dans la foule qui attend de bon matin l’ouverture des portes d’une Foire à l’Emploi Annuelle. Bilan: 8 morts et des dizaines de blessés.

Publié le 3 juin 2014 aux USA, le 28 juin 2015 en Belgique, le roman précède et préfigure la montée en puissance des attentats au véhicule-bélier:

- 14 juillet 2016: Nice, sur la promenade des Anglais, 86 morts, 458 blessés.

- 19 décembre 2016: Berlin, 12 morts, plus de 50 blessés.

- 7 avril 2017: Stockholm, 5 morts, 14 blessés.

- 31 octobre 2017: New York, 8 morts.

Certes, les registres du terrorisme international font également référence à une poignée d’incidents antérieurs. Mais force est de constater que ce mode opératoire est devenu monnaie courante après l’édition de l’ouvrage aux États-Unis.

2. Mr Mercedes et le concert ciblé

L’attaque à la voiture-bélier n’est que la mise en bouche du grand plan destructeur de Brady Hartsfield.

Au fil des pages de Mr Mercedes, cet esprit hautement dérangé imagine un plan plus machiavélique encore.

La cible: les milliers d’adolescents qui assistent au concert d’un boys band dénommé Round Here.

La méthode: déclencher sa ceinture explosive après avoir contourné le contrôle de sécurité en se faisant passer pour une personne handicapée contrainte de se déplacer en chaise roulante.

«Profiter» d’un concert populaire pour se faire exploser au milieu de la foule, c’est justement la méthode exploitée le 22 mai 2017 à Manchester par Salman Abedi. Bilan de l’explosion de sa ceinture explosive au moment où les spectateurs quittent le show d’Ariana Grande: 23 morts, 250 blessés.

Légende. Dans la foulée de l’attentat de Manchester, les auteurs de la série télévisée Mr Mercedes ont modifié la scène finale. Le concert est remplacé par l’inauguration d’une salle culturelle.

3. Fin de ronde et les challenges morbides

Publié aux USA le 7 juin 2016, en Belgique le 8 mars 2017, Fin de ronde scelle les retrouvailles entre l'inspecteur retraité Bill Hodges et Brady Hartsfield.

Violemment neutralisé à la fin de Mr Mercedes, le tueur est sur papier un légume à jamais neutralisé par un traumatisme crânien aux lourdes conséquences.

C’est ici que le fantastique se glisse dans l’équation.

Via une tablette rudimentaire baptisée Zappit, Brady Hartsfield prend le contrôle à distance des esprits vulnérables.

Pire, le meurtrier à la Mercedes communique par ce biais avec des adolescents fragiles pour les pousser au fil des connexions en WiFi à se suicider.

Marteler à un ado en perte de repère des messages négatifs pour l’inciter à mettre fin à ses jours, c’est en tout point les modus operandi du Blue Whale Challenge de 2016 et plus encore du Momo Challenge de 2018.

Notamment diffusé via WhatsApp, le Momo Challenge force le jeune à accomplir une liste de «défis» dangereux. L’étape finale serait le suicide.