INTERVIEW | Agnès Ledig affronte la mort d’un enfant
Ses histoires font du bien et les lecteurs aiment ça. Agnès Ledig revient avec un sixième roman qui est aussi le plus personnel.
Publié le 07-06-2018 à 06h00
Rencontrer Agnès Ledig, c'est comme lire un de ses romans, ça fait du bien. Chaleureuse, aimable au sens plein du terme, elle est presque désarmante de sincérité. D'autant que son dernier livre, Dans le murmure des feuilles qui dansent est sans aucun doute le plus personnel de ceux écrits par la sage-femme et romancière française.
La fragilité de la vie
Agnès Ledig s'est en effet lancée dans l'écriture, voici quelques années, pendant l'hospitalisation de son fils qui ne survivra pas à une leucémie. Or l'un des héros de Dans le murmure des feuilles qui dansent est Simon, 8 ans, un petit garçon atteint d'une leucémie. «Il a fallu six romans pour que je trouve le bon angle pour écrire cette histoire. Je ne voulais pas d'une autobiographie mais inventer, raconter une autre famille. Mais j'avais aussi envie de m'inspirer de certaines scènes vécues.» Pour autant, Agnès Ledig n'a jamais eu envisager de rattraper l'histoire, de sauver Simon. «Non, ça peut paraître horrible mais je voulais montrer que la maladie, la mort, ça fait partie de la vie, de sa fragilité. En même temps, l'histoire est aussi une ouverture vers l'espoir.»
Car, Simon n'est pas le seul héros de ce roman qui fait se croiser quelques personnages écorchés par la vie. Il y a Annaëlle d'abord, dont l'espoir de devenir pharmacienne a été anéanti par l'accident dont elle a été victime. Amputée d'une jambe, la jeune femme doit se reconstruire, physiquement et psychologiquement. Un renouveau qui passe par l'écriture. Ayant besoin de quelques tuyaux juridiques pour un roman, elle écrit à Hervé, son ancien professeur de droit, procureur qui s'ennuie dans sa petite vie trop rangée. Et puis il y a aussi Thomas, le jeune menuisier, l'ami des arbres et des sous-bois. Thomas, c'est le grand (demi)-frère de Simon. Un accident professionnel l'a également amputé de quelques phalanges. Mais le principal n'est pas là. Thomas, c'est à la fois le refuge et l'arbre de Simon. «Je voulais montrer qu'il y a toutes sortes d'accidents dans la vie. Mais aussi que malgré les aspérités, quoi qu'on vive, on va toujours trouver, sur notre chemin des êtres qui peuvent nous aider. On reste seul mais il y a souvent quelqu'un pour vous prendre par la main. C'est ça qui donne de l'espoir.»
«On n’a pas le choix»
Pas facile pourtant comme le montre Thomas d'assumer la maladie et un boulot. «C'est un énorme problème. Mais on n'a pas le choix. Quand on est touché par la maladie d'un proche, c'est la première chose à laquelle on est confronté. Mais là aussi je voulais parler de la fraternité dans notre société qui paraît pourtant bien en manquer. Sensibiliser sur le fait que chacun fait ce qu'il peut. En France, par exemple, on peut donner ses récupérations à un collègue dont un parent ou un enfant est malade. Et ça marche.»
La correspondance entre Annaëlle et Hervé va prendre un tour tendre malgré la jalousie d'une greffière acariâtre. Mais Hervé pourra-t-il surmonter le handicap de la jeune femme? Thomas, lui, n'est pas insensible au charme d'Annaëlle pour laquelle il réalise des travaux d'aménagement. «Personne n'est tout blanc ou tout noir dans ce roman, c'est comme dans la vie. Ça donne aussi de l'espoir pour les gens vraiment odieux (rires).»
«L’humour m’a sauver»
Malgré la gravité des sujets abordés, il y a beaucoup d'humour aussi dans le roman d'Agnès Ledig, particulièrement chez le petit Simon. «Dans la chambre d'hôpital de mon fils, j'avais écrit au mur " l'humour m'a sauver " (NDLR, référence au fameux " Omar m'a tuer "). Avec un enfant malade, on s'émerveille des petites choses, les petits rires font peut-être les grands bonheurs… C'est aussi la force des enfants malades et ils en donnent à tout le monde. On se sent tellement indignes de ne pas être assez vivants pour eux.»
Avec Dans le murmure des feuilles qui dansent, Agnès Ledig est bien consciente de clôturer quelque chose. « J'ai l'impression que désormais je peux refermer une page de ma vie. C'est un cycle qui se termine. L'écriture a changé ma vie. Ce roman, je le dédie à mon fils. J'ai envie de lui dire, " celui-là, c'est pour toi ".»
Agnès Ledig, «Dans le murmure des feuilles qui dansent», Albin Michel, 390 p.