Elle a 13 ans et lui 43: l’histoire trangressive de Nathalie Rheims
Adolescente, la fille de Maurice Rheims est éprise d’un comédien plus âgé. Elle s’en souvient dans «Place Colette», en course pour l’Interallié.
Publié le 26-10-2015 à 18h40
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Elle a 13 ans, lui trente de plus. Cette jeune adolescente sort de trois ans d'immobilisation dans un corset. Elle discute avec ce comédien célèbre un soir d'été dans la villa de ses parents à Saint-Florent, en Corse, où elle s'ennuie. Elle en tombe amoureuse. Au point d'aller le voir jouer dans L'Aiglon à Ajaccio, à l'autre bout de l'île. Au point, revenue à Paris, de se rendre dans sa loge à la fin d'une représentation de Cyrano de Bergerac. Au point d'encore y retourner, de harceler celui qui l'appelle «petite fille», et finalement de le faire craquer. Et au point de suivre elle-même des cours de théâtre et de faire ses premiers pas sur scène aux côtés de Maria Casarès.
L'histoire est véridique et se passe au début des années 1970. Elle, c'est Nathalie Rheims, fille du célèbre commissaire-priseur devenu académicien français, un Dom Juan «qui ne pensait qu'à séduire toutes les femmes», et d'une mère qui quittera son mari deux ans plus tard. Et sœur de Bettina qui deviendra une photographe célèbre. Elle est «conseillée» par une copine de classe plus délurée qu'elle, fille de réalisateurs de films pornos.

Lui, Pierre dans le roman, est sociétaire à la Comédie française. Et s’il met du temps avant de répondre aux avances de cette Lolita obstinée, il finit par y prendre goût.
Place Colette – nom de la place où se situe la Comédie française – raconte cette relation extrêmement transgressive, forcément scandaleuse, du point de vue de l'instigatrice du délit. Après leur première rencontre, le quadragénaire l'avait déjà oubliée et ne l'aurait pas relancée. Mais les choses s'inversent et lorsque la narratrice, qui a trouvé sa voie théâtrale, le quitte sans regret, c'est lui qui s'en trouve marri.
Si Nathalie Rheims a écrit sur son frère mort à 33 ans à travers une évocation du comédien Charles Denner (L'Un pour l'autre), sur sa relation avec un homme marié (Journal intime), sur son père (Les fleurs du silence) et sa mère (Laisser les cendres s'envoler), et même sur Claude Berri, qui fut son compagnon (Claude), elle avait conscience d'aborder ici un sujet «casse-gueule».
«Ce roman vrai, où je réinterprète des souvenirs pjour les rendre romanesques et leur donner une forme littéraire, est un pari», commente-t-elle.
«Pour la première fois, je me confronte à l'écriture de la sexualité qui est, pour moi, la chose la plus difficile à faire. J'attendais d'être assez solide comme écrivain. L'idée n'était pas de donner le point de vue d'une femme de 56 ans mais de retrouver l'adolescente que j'étais et d'ainsi restituer les événements tels que je crois les avoir vécus. Car, autour de la trame qui a bien eu lieu, il y a une sorte de flou. Peut-être ai-je effacé de ma mémoire certaines choses vraies et en ai-je raconté d'autres que je crois vraies et qui ne le sont pas. La mémoire est en effet extrêmement subjective.»