La mort au bout des mots
Apprenant sa mort prochaine, Christiane Singer a tenu un journal d'août 2006 à mars 2007. Elle s'est éteinte un mois après.
Publié le 21-06-2007 à 06h00
«Du fond du coeur, merci.» Ce sont les ultimes mots de Christiane Singer, écrits le 1er mars 2007. Ils s'adressent au jeune médecin qui, l'été précédent, lui a annoncé qu'elle avait «encore six mois au plus» devant elle. Pendant toutes ces semaines, sachant la maladie en elle mais veillant à ne pas être «dans» la maladie, prenant garde à ne pas se «laisser emprisonner dans cette part de nous qui est vouée à la mort», même si elle passe par des moments de désespoir, elle a noté ce qu'elle vivait et ressentait. Demandant, à ceux qui la soutenaient de «ne pas être déçus que la mort ait en apparence vaincu» car «la vérité est que tout est VIE, je sors de la vie et j'entre en vie.»
Ce journal est profondément touchant, jamais larmoyant. Jamais l'auteure ne s'apitoie sur elle, sans pour autant taire sa douleur. Elle dit au contraire le bonheur d'être et d'avoir été. «Je suis dans la pulsation de la vie. Elle est si intense que je la sens dans mes doigts en écrivant.» La maladie devient alors «l'une des plus hautes aventures de vie».
On sort bouleversé de ce livre. Par la force intérieure, vitale, qui anime celle qui lentement s'en va et par les mots avec lesquels elle raconte ce qui, à ses yeux, n'est pas un combat mais un «espace d'immense liberté». Forte de ce qu'elle a vécu, où «rien mais vraiment rien ne m'y apparaît vain ou regrettable», soutenue par l'amour de son mari et de son fils, elle va jusqu'à affirmer : «Si tant est que quelqu'un veuille me la disputer, je ne céderais pas ma place pour un empire.»M.P.
Christiane Singer, «Derniers fragments d'un long voyage», Albin Michel, 136 p., 12 €.